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«Le succès des intellectuels identitaires est d’abord le signe que des valeurs qui ont longtemps contribué à fédérer ce qu’on appelait alors “le peuple de gauche” ont perdu leur force mobilisatrice. L’”identité” a pris la place de la fraternité, de la “solidarité” avec les déshérités, les réfugiés contraints de fuir leur pays – autant de mots qui avaient jadis le pouvoir de mobiliser les foules, parce qu’ils étaient l’objet d’une croyance.

L’”identité”, c’est une croyance de substitution, pauvre, fragile et réactive. Mais c’est aussi un déni facile de l’histoire et de l’existence plus que jamais composite de la population, une pensée simplifiée. Il n’est pas interdit de parler de l’identité, mais il faudrait alors savoir reconnaître et admettre son caractère constitutivement hétérogène, le fait qu’elle implique plus d’une origine, plus d’une provenance, plus d’une culture et plus d’une religion. Ainsi les intellectuels identitaires ont-ils en commun de partager un ressentiment contre le réel et contre l’histoire, une aigreur du temps qui se laisse parfois contaminer par un esprit de vengeance.

«Mais les intellectuels ne sont pas seuls. Ce ressentiment, il est compréhensible qu’une partie de la population, fragilisée dans ses convictions, exposée à toutes les formes d’insécurité qui sont leur lot quotidien, le partage. Il faudrait savoir l’adoucir, sinon le corriger. Mais quand les conditions d’existence se durcissent, le discours le plus réactif, le plus simplificateur, le plus éloigné des complexités d’une société en pleine mutation, a le plus de chances d’emporter le suffrage des électeurs. […]

Robert Maggiori, philosophe, Libération

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