Rachid Abou Houdeyfa, l’imam des jeunes que les politiques boudent
Avec ses vidéos et son goût de la mise en scène, le prêcheur de Brest ringardise tous ceux qui l’ont précédé. Estampillé salafiste, il ne parvient pas à obtenir les bonnes grâces du gouvernement mais s’attire les foudres de nationalistes bretons qui appellent à manifester devant sa mosquée.
(…) Musique, piercing, épilation, sorcellerie, rapports intimes, l’imam parle de tout. Et n’hésite pas à se mettre en scène. Dans une tombe quand il évoque la question du deuil, sur un bateau quand il vante les bienfaits du farniente. Un style très personnel, qui plaît. Surtout aux jeunes qui ont tendance à déserter les mosquées. Sur les sites de partage en ligne, les vidéos du Brestois enregistrent jusqu’à 400 000 clics. Comment expliquer un tel succès ? « Son point fort, c’est qu’il parle comme eux, il a grandi dans une cité, il connaît leurs problèmes. Et, contrairement à d’autres imams ou universitaires, il n’est pas coupé de leur réalité », fait remarquer Mohammed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM93). Pour Raphaël Liogier, professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence où il dirige, depuis 2006, l’Observatoire du religieux, Rachid Abou Houdeyfa incarne « le nouveau visage de l’islam qui marche chez les jeunes ». « Il est charismatique, remplit un vide et comme on le sait, la nature a horreur du vide », poursuit Samir Amghar, spécialiste de l’islam et chercheur à l’Université libre de Bruxelles.
(…) « Au lieu de promouvoir des imams qui disent ce qu’ils ont envie d’entendre mais qui ne sont reconnus par personne au sein de la communauté, Houdeyfa ne vous plaît pas mais il a un véritable impact sur les jeunes et il est opposé à ce qui vous fait peur, le djihadisme », a, de son côté, avancé comme argument Raphaël Liogier, lors de son audition à l’Assemblée nationale en vue d’un rapport de Claude Bartolone sur la cohésion républicaine.
Le refus de convier l’imam de Brest révèle aussi la position ambiguë du gouvernement face aux prêcheurs étiquetés salafistes. D’un côté, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, apparaît comme « pragmatique », expliquent les chercheurs Raphaël Liogier et Samir Amghar ; de l’autre, « une tendance plus idéologique », celle du premier ministre Manuel Valls, opposé « à toute forme de néo-fondamentalisme qui pourrait remettre en cause le pacte républicain et la laïcité ».
(…) Médiapart