Mardi 20 octobre, le journal Marianne organise à Paris à la Mutualité une réunion sur le thème, «Peut-on encore débattre en France ?». Le journaliste Jean-François Kahn répond aux questions de FigaroVox.
Quels sont les débats interdits aujourd’hui ?
Aujourd’hui, c’est le principe même du débat qui est interdit. Nous assistons au retour d’une rhétorique stalinienne. L’affrontement polémique est réjouissant. Mais actuellement, nous avons surtout assisté à l’amalgame. Comme sous la terreur, tous les intellectuels, malgré des différences évidentes, sont mis dans la même charrette, hébertistes et dantonistes, sous l’appellation «néo-réac» ou «décliniste». Quel rapport entre le chouan Philippe de Villiers et l’athée Michel Onfray ? Entre Régis Debray et Finkielkraut ?
Le mot «dérive» est également insupportable. C’est une manière de diaboliser toute évolution. C’est la traduction de l’expression stalinienne déviationniste. Dans certains articles, l’injure remplace l’argumentation comme en témoigne l’emploi obsessionnel des termes : «nauséabonds», «rance» ou «plumitif». Il s’agit de déshumaniser celui avec lequel on est en désaccord.
Enfin, il faut également insister sur un autre phénomène : le fait que la gauche soixante-huitarde a bradé ses aspirations sociales et s’est ralliée à la doxa néo-libérale. L’antifascisme et la croisade exaltée contre un bloc réactionnaire fantasmé est le seul moyen pour eux de se convaincre qu’ils sont toujours à gauche.