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Extrait du livre “La fabrique du conformisme”, Eric Maurin, :

Arrivé très jeune d’Algérie, Kelkal a grandi à Vaulx-en-Velin, dans le quartier des Barges, après avoir rejoint son père, ouvrier à Vénissieux, dans le cadre du regroupement familial. Très loin de l’expérience vécue par d’autres terroristes, Mohamed Merah ou les frères Kouachi, Kelkal a bien réussi à l’école primaire puis au collège de son quartier, soutenu par des parents attentifs et impliqués. À son entrée en seconde, il obtient même le droit de rejoindre le prestigieux lycée La Martinière-Montplaisir à Lyon, une dizaine de kilomètres au sud de Vaulx. Mais cette expérience va s’avérer désastreuse.

Selon lui, le déclic du décrochage et de la délinquance « s’est passé là-bas ». Le déracinement est trop brutal, la distance sociale avec les autres élèves (et ce qui lui paraît être leur trop grand sérieux) trop importante : « Au lycée, dans ma classe, il y avait que les riches. » Il se sent l’exception : « Eux, ils n’avaient jamais vu un Arabe dans leur classe. » Les autres ne le mettent pas à l’écart, mais « eux, ils avaient plus de facilité entre eux à discuter ». Pour fuir cet univers où les professeurs lui paraissent beaucoup plus lointains qu’au collège et où il est en échec, il va décrocher, en dépit de la profonde déception que cela entraîne chez ses parents : « J’en suis arrivé au point de me dire : “qu’est-ce que je fous là ?”, au lieu de me dire : “c’est bien pour toi, c’est pour travailler.” »

En un sens, Khaled Kelkal a été bénéficiaire de cette forme de busing caractéristique de la méritocratie républicaine française, des collèges de la périphérie vers les lycées de centre-ville. Cela n’aura pas empêché sa chute dans la délinquance, puis ses années de prison. De nouveau, il s’agira d’une expérience paradoxale, une impasse, mais également un retour à ce qui s’était perdu en arrivant au lycée. En prison, selon lui, « c’est la même mentalité qu’au collège, mais avec des adultes ». La prison, c’est aussi pour lui l’école d’un retour aux sources, une identité retrouvée : « Moi, je sais qu’en prison j’ai appris beaucoup de choses. […] J’ai appris l’arabe, j’ai bien appris ma religion, l’islam. » L’expérience de la prison représente finalement l’inverse de sa promotion ratée vers le « lycée des Français » : il n’y a pas d’avenir, mais on y retrouve ceux dont on se sent proche et avec qui on partage une certaine identité.

Merci à Docteur Bazooka

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