Par Sophie Jehel
Maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à Paris 8
Les débats polémiques de l’émission «On n’est pas couché» ne favorisent pas la cohésion sociale, pourtant au cœur de la mission du service public.
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La réalité de la société française est à la fois celle d’un niveau élevé de discriminations envers les personnes d’origine maghrébine comme de confession musulmane (comme l’a montré récemment une enquête de l’Institut Montaigne, médiatisée sur la même chaîne cette semaine), celle d’une recrudescence des actes antisémites, celle d’une montée des discours misogynes, mais aussi celle de l’engagement d’innombrables agents de la fonction publique (enseignants, éducateurs, médiateurs, responsables …) et d’associations pour consolider le tissu social, lutter contre la crise sociale et économique, diffuser la culture, lutter contre l’isolement et la désespérance, favoriser des actions d’écoute, d’accompagnement, de valorisation de tout ce qui peut se faire de beau et de constructif dans les quartiers défavorisés.
Encore faudrait-il pour en parler inviter des personnes engagées dans ces actions, qui ne sont pas nécessairement des politiques, ni des polémistes, ni les quelques experts habitués aux plateaux, et qui ne pourront peut-être pas rivaliser par la petite phrase ou le trait sarcastique susceptibles d’emporter les applaudissements d’un public amusé. Mais ce serait répondre au cap fixé par le législateur d’une représentation plus juste de la diversité de la société à la télévision française. La question ne devrait pas être abordée sous l’angle cosmétique d’une meilleure visibilité des personnes «non blanches», afin d’améliorer les statistiques de l’observatoire du CSA, elle devrait être appréhendée non comme une obligation formelle, mais comme une urgence sociétale: lutter contre les discriminations et les phobies sociales ne peut réussir simplement par des incantations ou des quotas, cela suppose l’élargissement des espaces de débat public, l’ouverture à des experts de la société civile, un changement de ton, moins germanopratin, plus bienveillant, plus innovant, plus complexe. «ONPC» n’est sans doute pas la case où cela pourrait se faire, tournée avant tout, et malgré la suppression de la publicité après 20 heures, vers la promotion des best-sellers en librairie ou dans les salles de spectacle. D’autres émissions seraient à inventer.