Pour le professeur de science politique Rémi Lefebvre, le Parti socialiste ne s’intéresse aux catégories populaires «que de manière intermittente, quelques mois avant chaque élection présidentielle ».
Les dirigeants du PS croient que l’électorat des banlieues est un « électorat captif », qui se tournera mécaniquement vers leur candidat en réaction à l’ultradroitisation et au discours islamophobe de ses adversaires. Comment comprendre autrement que la gauche au pouvoir ait à ce point délaissé les banlieues ?
Depuis 2012, des initiatives émanant de ces quartiers ont été lancées, comme la coordination Pas sans nous, qui a essayé de jouer le jeu de la coopération avec la gauche au pouvoir en lui proposant de développer une démocratie participative, citoyenne. Renforcer le « pouvoir d’agir » des banlieues est une piste pour qu’une reconquête citoyenne s’y enclenche. Parti de notables, peu disposés à partager leur pouvoir, le PS n’y a pas répondu.
Comment le Parti socialiste a-t-il appréhendé la question des banlieues depuis les émeutes urbaines de 2005 ?
De ces territoires où il n’a jamais réussi à s’implanter, le PS a une vision de plus en plus électoraliste. Il ne se pose la question de son rapport aux catégories populaires que de manière intermittente, quelques mois avant chaque élection présidentielle, lorsqu’il redécouvre la sociologie du pays et qu’il construit une stratégie électorale.
D’où vient cette coupure ?
Les ouvriers et employés (les catégories populaires) représentent plus de 50 % de l’électorat. Mais ces catégories populaires se sont hétérogénéisées. Dans la vision des dirigeants socialistes, on a d’un côté la vieille classe populaire, ceux qu’ils peuvent appeler les « petits Blancs », qui ont migré vers le périurbain et constituent une cible politique difficile à toucher. De l’autre, des populations souvent issues de l’immigration, qui sont restées dans des quartiers relégués et stigmatisés, où le PS a un terrifiant déficit de représentation. […]
S’agit-il pour le Parti socialiste d’un problème politique de fond ou d’une coupure sociologique ?
C’est une défaite culturelle que traduit l’extrême frilosité du PS sur toutes les questions qui concernent la banlieue ; y compris le sujet de l’islam, qu’il appréhende de manière anxiogène. Mais combien y a-t-il de musulmans au PS ? […]