Mouvance anar née en Allemagne, No Border milite pour que “la Terre soit à tout le monde”. Très actifs pour défendre à leur manière les réfugiés de Calais, ses activistes irritent et inquiètent les associations d’aide traditionnelles.
(…) Cultivant le secret et pourtant très visible, le mouvement anarcho-libertaire agace à Calais. Monique, Calaisienne de 67 ans, s’énerve :
Ce sont des gens qui ont débarqué d’Allemagne, d’Angleterre et d’ailleurs pour les vacances, et ils ont pris les maisons des vieilles dames pour y mettre des migrants qui n’ont rien demandé.”
Les No Borders “sont certes courageux, mais pas toujours très malins”, lâche Jeanne, de Salam, une association subventionnée par la ville, la Région et l’Etat. Dans son petit imperméable bleu, la militante de 88 ans sert des repas aux migrants depuis des décennies. Professeur d’éducation physique retraitée et ancienne élue communiste de la ville, elle reproche aux activistes “des méthodes ‘y a qu’à, faut qu’on’ qui attirent la police et ne servent pas les migrants”.
Le jugement de Dominic, marin saisonnier anglais de 50 ans et adhérent de l’association l’Auberge des Migrants, est encore plus tranché. Tout en encadrant la distribution des repas quai de la Moselle, face au port et aux cars de police, il affirme :
Les No Borders sont une nuisance. Ils essaient d’endoctriner les migrants, qui veulent juste aller en Grande-Bretagne.”
Stéphane, 20 ans, aux cheveux longs et bouclés, est étudiant en histoire et en russe. Il dispense des rudiments de français aux migrants installés dans le squat. Il préfère se tenir à distance “des anarchistes, je suis plutôt communiste, enfin, compagnon de route, comme Simone de Beauvoir”.
S’ils ne se reconnaissent pas dans les No Borders, certains militants, comme Philippe Wannesson, auteur du blog “Passeurs d’hospitalités”, voient une “efficacité dans ce mouvement, qui a systématisé le ‘cop watching’ [surveillance citoyenne de l’activité policière, NDLR] et permis en 2011 la dénonciation par le Défenseur des droits des violences policières sur les migrants à Calais”.
“Les complices objectifs” des passeurs
Un avis que ne partage pas vraiment le ministre de l’Intérieur. Pour Bernard Cazeneuve, les No Borders “sont les complices objectifs” des passeurs, qui, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, font miroiter aux migrants démunis un passage outre-Manche hypothétique. Ce sont “des activistes d’extrême gauche qui utilisent les migrants pour servir leur cause”, renchérit Emmanuel Agius, premier adjoint au maire.
Des voyous qui ont investi et saccagé la maison d’une octogénaire hospitalisée pour y héberger des migrants ! Des gens de bonne famille qui connaissent le droit sur le bout des ongles pour mieux contourner la loi.”
C’est vrai, concède Jeanne, “les No Borders savent y faire quand il s’agit d’ouvrir un squat”. En cas d’interpellation, ils refusent systématiquement de décliner leur identité et de se soumettre à l’identification par l’ADN. Ainsi, la justice, ne sachant pas à qui elle a affaire, finit toujours par abandonner les poursuites.
(…) Le Nouvel Obs