Eric Denécé. Directeur du Centre français de recherche sur le renseignement
Ancien officier des services de renseignement français et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Denécé parle dans cet entretien des aspects qui ont favorisé le renforcement de la capacité de nuisance des terroristes. L’un de ces aspects, explique-il, est la politique française envers la Syrie.
Des extrémistes français se trouvent parmi Daech et Al Qaîda en Syrie et en Irak. Quelle menace pour la France ?
Eric Denécé : C’est une menace importante contre laquelle nous agissons trop timidement. Nos services n’ont pas reçus d’ordre des autorités pour agir contre ces ressortissants français qui sont au sens propre des criminels et des traîtres, collaborant avec des ennemis de la France, responsables d’attentats.
Il s’agit bien d’une intelligence avec l’ennemi et nous ne pouvons objectivement accepter que de tels individus reviennent en France commettre des actions ou répandre le fiel de leur idéologie haineuse.
Ne croyez-vous pas que la politique prônée par le président François Hollande envers la Syrie favorise la menace terroriste contre la France ?
Elle y contribue indéniablement. Mais les attentats d’hier à Paris montrent que malgré notre soutien irresponsable à l’opposition djihadiste de Bachar El Assad et notre silence sur la guerre d’agression de l’Arabie saoudite au Yémen, les terroristes frappent quand même la France. C’est l’illustration horrible mais parfaite des errements complets de notre politique étrangère qui est sans vision, sans compréhension.
En soutenant, finançant et armant les «rebelles» en Syrie, certains Etats ne sont-ils pas en train de renforcer la capacité de nuisance des terroristes ?
Bien évidemment. En particulier l’assistance que continuent à prodiguer aux djihadistes syriens l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ne vont faire que prolonger le conflit et renforcer ces groupes qui connaissent de sérieux problèmes depuis le début de l’intervention russe. C’est une fuite en avant irresponsable de la part de ces trois Etats qui voient leur stratégie contrée par l’entrée en jeu de Moscou.
Bachar ne tombera pas, et ça, ils ne le supportent pas. Le jeu des Américains est aussi particulièrement ambigu. Récemment encore, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter disait, à propos de Jabhat Al-Nosrah « si les Russes continuent à bombarder nos gars, il faut qu’Obama riposte » !
(…) El Watan