Depuis sept mois, au Maroc, une vingtaine de Français suivent une formation d’imam de trois ans pour apprendre à lutter contre le radicalisme.
Pour Noureddine El-Aydi, l’islam enseigné à Rabat – où le Conseil des oulémas est le seul autorisé à donner un avis religieux et où les imams autoproclamés n’existent pas – est bien celui du “juste milieu”. “Il peut parfaitement cohabiter en Europe, assure ce Strasbourgeois de 55 ans. Il n’y a aucune incompatibilité entre l’islam et la laïcité. Les associations religieuses devraient s’en inspirer pour l’adapter à la française.”
Comment les imams sont formés au Maroc par lejdd
En écoutant le prêche de vendredi, ce prêche si particulier qui résonnait encore des attentats de Paris, il a su pourquoi il était là, dans cette mosquée de Rabat, loin des siens. Des perles de sueur sur le front, les traits encore concentrés sur sa prière, Mohammed El-Ouafi a mesuré le poids de sa charge. Bientôt, lui aussi prêchera la “valeur de l’être humain” et décryptera la parole du Prophète, comme l’a fait son confrère malien en ce jour symbolique. Bientôt, Mohammed El-Ouafi sera imam. Officiellement.
À 38 ans, ce père de famille a laissé sa femme et ses trois enfants à Avion, dans le Pas-de-Calais, pour retourner sur les bancs de l’institut Mohammed-VI, un centre de formation des imams, à la périphérie de la capitale marocaine. “En tant que vice-président de l’association de ma mosquée, je faisais le prêche quand l’imam n’était pas là, raconte-t-il. En France, 75% des mosquées utilisent uniquement des bénévoles comme moi… Mais ce n’est pas la solution.” Mohammed le reconnaît aujourd’hui : tous manquent cruellement de connaissances.
Depuis le mois de mars, avec 19 autres “imams stagiaires de France” , comme on les appelle à l’institut, le trentenaire se forme en arabe aux sciences islamiques et religieuses, aux sciences humaines – philosophie, psychologie… –, mais aussi au numérique et au français, certains de ses collègues s’exprimant avec peine dans la langue de Molière… En janvier, 32 nouveaux élèves – tous liés au Maroc, tous sélectionnés par l’Union des mosquées de France – les rejoindront ; parmi eux, figurent trois femmes morchidates (conseillères religieuses). Une première pour l’Hexagone, officialisée par un accord signé en septembre entre François Hollande et le roi du Maroc, Mohammed VI.
Inquiet des dérives salafistes et fondamentalistes, le royaume chérifien a pris le problème à bras-le-corps en 2005, au moment des attentats de Casablanca. En dix ans, quelque 2.400 imams et morchidates ont été formés à la “sécurité spirituelle”. […]