Extraits d’une tribune de Cécile Alduy, professeur de littérature à l’Université de Standford, auteur de “Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste”.
Quelques semaines à peine après les attentats qui ont semé la mort dans Paris, la France révèle au monde un tout autre visage que celui, fier et endeuillé, qui avait suscité compassion et admiration. Non plus la France tolérante, patrie de l’idéale « liberté, égalité, fraternité » que Barack Obama célébrait, mais une France qui puise dans ses peurs la justification du repli, de la xénophobie et de l’autoritarisme assumé. Double deuil, de nos morts et de nos valeurs.
Ce traumatisme, loin de susciter un sursaut démocratique, a fragilisé une confiance déjà abîmée envers les autres et envers le politique. Sauf chez les électeurs frontistes surmotivés par ces mêmes événements, car préparés à y lire la réalisation des prophéties de « guerres interethniques » régulièrement annoncées par le Front national. Car le Front national, parti volontiers anti-intellectuel qui valorise le « bon sens du Peuple » et se nourrit de préjugés, est à la fois le parti qui réfléchit le plus au poids des mots et celui qui distille le prêt-à-penser le plus rigide et le moins propice à la pensée comme activité critique. […]
La dédiabolisation est autant l’œuvre de Marine Le Pen s’emparant des mots de la République que de ceux qui normalisent son discours en répétant ses clichés, du « clash de civilisation » à la symbolique ambiguë de la déchéance de nationalité. […]