Tribune de Mme Denise Toros-Marter est déportée à 16 ans à Auschwitz. Me Sidney Chouraqui est engagé volontaire de la France libre. Le colonel (e.r.) Louis Monguilan est résistant, déporté à Mauthausen.
Les menaces contre la République sont multiples, et le terrorisme en est l’expression la plus violente. Mais c’est aujourd’hui l’extrême droite qui risque de conquérir des lieux de pouvoir dans notre pays, et qui présente donc le danger le plus important, le plus immédiat pour nos libertés et pour la démocratie.
Pour notre pays, pour les valeurs de la République, pour nos enfants et petits-enfants, ce risque mortel ne peut pas être pris.
Anciens résistants et déportés, nous avons appris durement à reconnaître les masques et les visages de la haine, et nous les reconnaissons bien aujourd’hui.
Nous, anciens résistants et déportés, cofondateurs du site mémorial du Camp des Milles, avons connu, subi et combattu le régime de Vichy et sa politique d’extrême droite, autoritaire, nationaliste, xénophobe et antisémite. Cette politique de collaboration avec le nazisme a divisé puis persécuté, torturé, massacré. […]
Malheureusement, nous voyons aujourd’hui monter en France et en Europe la xénophobie, le nationalisme, les racismes et l’antisémitisme, encouragés par des personnalités et des partis extrémistes comme le Front national. Avec leurs grossièretés ou leurs ambiguïtés sur la page la plus sombre de notre histoire. Avec leur cortège de stigmatisations (contre les musulmans, mais aussi les Roms, les protestants, les juifs, les francs-maçons, les homosexuels, refrain vichyste connu…). Avec leurs menaces contre la paix civile entre Français.
C’est pourquoi nous n’acceptons pas l’idée que les héritiers de ces politiques antirépublicaines, quels qu’ils soient, puissent exercer et détourner un pouvoir républicain. Nous savons la diversité et les raisons multiples des sympathisants des partis concernés, ou de leurs électeurs. Comme c’était le cas d’ailleurs pour beaucoup d’Allemands qui ont voté à 33,1 % pour Hitler aux dernières élections libres, ou pour nos compatriotes abusés un temps par Pétain face au danger nazi.
[…]Peu importe que l’on nous accuse de diabolisation. Car nous avons connu les « diables ordinaires » qui peuvent préparer l’enfer. Nous savons jusqu’où mènent l’intolérance et l’exclusion au pouvoir. Nous en connaissons la dynamique meurtrière. Elle nourrit et se nourrit des crispations identitaires, de la méfiance de l’Autre, et de toutes les peurs. Quelles que soient les volontés des responsables des partis extrémistes, elle enclenche des processus d’actions/réactions qui peuvent conduire à des généralisations abusives, à des affrontements et à des violences extrêmes. […]