Editorial de Laurent Joffrin dans Libération, intitulé “Sursaut”.
Quand un bateau subit une voie d’eau, on ne perd pas de temps à se demander si le capitaine a bien commandé, si le navigateur a fait fausse route ou si le timonier s’est endormi. On colmate. C’est l’enjeu réel de ce scrutin des régionales, qui oblige chacun à des décisions difficiles : colmater. La tâche n’est pas forcément glorieuse, ni enthousiasmante. Elle est décisive.
Hissé à la tête d’une ou plusieurs grandes régions par l’insuffisante mobilisation de ses adversaires, le Front national s’en servirait comme tremplin pour d’autres conquêtes, sans améliorer le moins du monde le sort de ses administrés, et en prenant des mesures qui seront autant de taches sur l’intégrité républicaine du pays.
Lundi commencera le véritable examen de conscience. Agir sur les causes du mal, et pas seulement sur les symptômes : telle est la mission urgente qui doit impliquer toutes les forces civiques du pays, ainsi que le gouvernement, au premier chef. Il n’y aurait rien de pire, après un résultat moins mauvais que prévu au second tour, que de se reposer sur des lauriers en toc et de compter cyniquement sur la peur du FN dans les prochains scrutins. C’est une réinvention à chaud de l’action républicaine qu’attend l’opinion, et d’abord au sein des couches populaires. Sinon, la ligne de défense que constitue le front républicain, la dernière avant la catastrophe, sera implacablement emportée par la conjugaison de la désespérance sociale et de la démagogie nationaliste.