(…) Bien que cette mesure de déchéance soit avant tout symbolique, celle-ci n’est cependant pas dépourvue d’une relative efficacité. Certes, retirer aux jihadistes la nationalité française n’empêchera pas les plus déterminés d’entre eux de revenir en France munis de faux passeports, à l’instar d’une partie des terroristes du 13 novembre, en s’infiltrant parmi les migrants venus de Syrie ou éventuellement de Libye.
Pour autant déchoir de la nationalité française les binationaux revenus de Syrie comporte un indéniable intérêt du point de vue des services de renseignements : celui de réduire sensiblement le volume de personnes à “déradicaliser” ou tout simplement à surveiller, une fois leurs peines de prison accomplies. Face à cet argument, beaucoup d’observateurs avancent le nombre important de “convertis” parmi les jihadistes pour remettre en cause l’efficacité de cette mesure. C’est méconnaître la sociologie du milieu jihadiste, où une bonne partie des convertis sont des descendants d’immigrés africains de tradition chrétienne. Il est vrai que depuis quelques années un certain nombre de clichés et de lieux communs présentent “le converti à l’islam d’origine européenne” comme forcément plus radical que les autres musulmans. Pourtant, près de vingt ans après l’affaire du gang de Roubaix, impliquant deux Ch’tis devenus jihadistes, Christophe Caze et Lionel Dumont, aucun converti européen n’est parvenu à réaliser un attentat majeur sur le sol français, ce qui ne veut pas dire que cela n’arrivera pas dans l’avenir.
(…) Evidemment il est beaucoup plus simple pour un ancien délinquant de se fondre dans un milieu auquel il a appartenu et dont il maîtrise tous les codes que pour un converti à l’islam, Français de souche, appartenant à la petite bourgeoisie provinciale. Il ne faut donc pas s’étonner de voir d’anciens dealers, ayant dans le passé séquestré et torturé leurs rivaux dans des affaires de stupéfiants, être affectés à la garde des otages détenus par l’EI, en raison de leur compétence en matière de “coercition physique”. Dans cette perspective, la figure de la “caillera repentie” offre un parallèle saisissant avec celle des anciens officiers irakiens de l’armée de Saddam Husseïn. Une fois convertis au jihadisme ce sont ces ex-officiers qui, en mettant leur expertise au service de l’Etat islamique d’Irak, ont transformé un simple groupe jihadiste formé autour d’une branche régionale d’al-Qaïda en une véritable puissance régionale.
(…) Huffington Post