Karim Boukercha, “franco-algérien”, a 30 ans. Aujourd’hui, alors que Manuel Valls et François Hollande ont réintégré l’élargissement des conditions de déchéance de nationalité pour les individus condamnés pour terrorisme, il réfléchit sur les préjugés français à l’égard des binationaux. Il estime que la déchéance de la nationalité “c’est de la lâcheté et beaucoup d’hypocrisie”.
Je suis arrivé en France à l’âge de 8 ans, au début des années 1990. Ma famille a quitté l’Algérie, espérant échapper à la crise et au terrorisme, notamment à des groupes comme le GIA. Aujourd’hui, je suis franco-algérien.
Le premier sentiment que j’ai eu quand le gouvernement a annoncé cette révision constitutionnelle, et le retour de la déchéance de nationalité, c’est de l’incompréhension. On est en train de créer une segmentation absurde de la citoyenneté et de la République, tout en sachant que cela n’aura strictement aucune conséquence sur la survenue d’actes terroristes.
C’est d’autant plus absurde venant de Manuel Valls, sachant qu’il a lui-même été naturalisé. J’ai l’impression qu’on est en train de stigmatiser davantage des citoyens qui sont d’ores et déjà pris en otage entre leur identité française qu’ils aiment et l’identité “musulmane” à laquelle on les renvoie constamment, peu importe qui ils sont vraiment et comment ils se définissent eux-mêmes.
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C’est une hypocrisie aussi. Dès que les Français binationaux réussissent, les institutions françaises se les accaparent, comme une espèce de réflexe de fierté. Dès qu’il y a une micro part de la France dans les racines d’un homme ou d’une femme qui a réussi, on tire la ficelle et on en fait des héros nationaux… Pourquoi n’est-ce pas le cas pour les autres binationaux ? Pourquoi n’est-on pas fier de la binationalité et de toutes les richesses qu’elle induit nécessairement ? […]