Une relecture black et plutôt réussie du mythe «Rocky», malgré les clichés à chaque coin du ring.
Vendu comme un spin-off («film dérivé») de la saga pugilistique édifiée par Stallone depuis 1976 plutôt qu’en tant que énième Rocky (mathématiquement, ça fait le septième), Creed a reçu aux Etats-Unis un accueil critique enthousiaste. Le tour de passe-passe est simple : transposer le mythe rockyesque (le prolo toujours donné perdant mais triomphant des épreuves de la vie sur et hors du ring) dans l’Amérique d’Obama, en lâchant les rênes à un jeune réalisateur noir, Ryan Coogler (29 ans), auréolé d’une première réalisation indé remarquée (Fruitvale Station, 2013).
Le résultat est un film de boxe d’un conformisme narratif ultra-rassurant pour le grand public, mais doublé d’une réelle sensibilité contemporaine, notamment dans sa gestion des questions raciales, grand angle mort des premiers Rocky, héros blanc et reaganien par excellence. […]
Difficile de dire, dans ce reboot teinté de fierté #BlackLivesMatter, quelle est la part de projet politique et de plan marketing. On en a peut-être eu un indice jeudi. Stallone a décroché la seule nomination du film aux oscars, dans la catégorie du meilleur second rôle masculin. Et ce malgré les deltoïdes hautement oscarisables d’un Michael B. Jordan transformé à coups de séances de muscu comme il se doit. Une confirmation, s’il en était encore besoin, de l’effarante cécité de l’Académie face à la diversité hollywoodienne. A la fin, c’est toujours Rocky, soit le «Grand Espoir Blanc», qui gagne.
Libération