La Saint-Sylvestre de Cologne révèle une cité faite par et pour les hommes, résultat d’une éducation asymétrique des femmes et des hommes. Il s’agit de lutter contre toutes les violences quelles que soient leurs origines.
(…) On a dit des hommes présents à Cologne qu’ils étaient des migrants économiques, à la différence des familles syriennes chassées par la guerre (une autre façon de faire du racisme en séparant les bons et les mauvais étrangers). Quels rêves emportent ces jeunes hommes, qui traversent le Sahel et s’embarquent, au risque de leur vie, sur des coquilles de noix ? N’est-ce pas celui d’un eldorado, dont fait partie ce corps des femmes, affiché sur les murs et consommable dans les eros-centers allemands comme dans les bordels des frontières belges ou catalanes ? Cherchons la symétrie : quels désirs animaient les explorateurs partis à la conquête du monde ? Celui de ces vahinés et femmes africaines aux seins nus, peintes sur les affiches de propagande de l’armée coloniale ? Quid des promesses de débauche sexuelle (et leur réponse industriellement organisée) lors des grands mondiaux de football qui ont déplacé des millions d’hommes venus du monde entier vers les stades d’Allemagne, d’Afrique du Sud ou du Brésil ?
(…) Autre contexte : l’Allemagne, avec 1,79 enfant par ménage, est en déclin démographique. La répartition de ses richesses repose sur le salariat. Il lui faut importer une main-d’œuvre dont elle n’aura pas à assurer le soin des premières années et dont elle espère le départ avant l’âge de la retraite. L’ethnicisation des classes sociales qui en découle (des personnes à la peau noire ou foncée exploitées dans des emplois subalternes) donne à voir, ici comme ailleurs, l’efficace persistance des structures coloniales au cœur des villes. L’Europe en manque d’enfants coopte l’élite des migrants, puis l’élite de leurs enfants, tout en construisant des barrières symboliques pour se prémunir du métissage. Les réactions racistes aux événements de Cologne n’annoncent-elles pas aussi la tentation de l’apartheid, marqué par la séparation sexuelle de races réputées incompatibles ?
(…) Libération