Alors que la fonction publique restait plutôt hermétique aux sirènes du Front national, la donne est en train de changer. En profondeur : 10 % des enseignants, un tiers des fonctionnaires de catégorie C, et jusqu’à 72 % des policiers ont voté FN aux dernières régionales. Les causes sont pourtant anciennes et bien identifiées.
Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, y voit plusieurs causes. Comme dans le privé, le vote FN est plus fort chez les catégories modestes et peu diplômées, mais sa percée touche aussi les cadres. « Le malaise est général : les fonctionnaires ont le sentiment de payer les pots cassés de la mondialisation. » Dégradation des conditions de travail, gel du point d’indice (et donc baisse des salaires), relations tendues avec les usagers…
Reste la question taboue, celle de l’immigration. « Dans la fonction publique hospitalière, comme chez les policiers ou les enseignants, la progression du vote FN est inédite, poursuit Luc Rouban. Ce sont ces fonctionnaires qui subissent le plus la hausse des agressions, des incivilités, des problèmes de communautarisme. » […]
Mais Brigitte Jumel ouvre une autre porte, encore plus taboue. « Il faut bien admettre que la fonction publique n’est pas très plurielle. L’accueil d’immigrés ou d’enfants d’immigrés est difficile, pour un tas de raisons. Quand on propose aux jeunes des quartiers d’intégrer la fonction publique, ils répondent : ‘ C’est pas pour nous. ‘ Le service public, pour eux, ça n’a rien de spontané. »
Conséquence ? « Le fait que l’on n’ait pas réussi cette intégration fait que l’on voit l’étranger ou l’immigré à travers un prisme déformant… » Dans cette logique, l’étranger, c’est celui qui demande, qui bénéficie du service public. Pas celui qui sert l’État, la région ou la commune.
Pour la CFDT, cette piste est sous-exploitée. « C’est un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps mais sur lequel nous devons travailler davantage. » Pour contrer cette rupture anachronique et désastreuse entre un service public « tout blanc » et des usagers « venus d’ailleurs ».
Merci à Jesse James