BFM TV – 29/01/16
Mgr Jean-Clément Jeanbart la connaît bien. Et pour cause : il y a vu le jour en 1943 au sein d’une famille grecque-catholique melktite de douze enfants. ordonnée prêtre en 1968n cela fait maintenant plus de 20 ans qu’il est archevêque d’Alep.
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Quelques chiffres qui en disent long : avant le début de la guerre, la Syrie comptait 22 millions d’habitants. Aujourd’hui, 12 millions de personnes ont perdu leur logement. 8 millions ont été déplacées à l’intérieur du pays et 4 millions sont parties à l’étranger. “Devant cette grande catastrophe qu’est l’exode des chrétiens, il ne faut pas baisser les bras, même si on se demande toujours si tout le monde ne va pas partir”, lance Mgr Jeanbart qui n’hésite pas à parler de “déportation”. Et l’archevêque d’Alep d’expliquer : “Nous avons vu non seulement des gens partir, mais aussi des pays offrir le transport par avion gratuit, donner des visas à peine demandés… Tout à coup, on les emmène, on prend les quelques forces humaines restantes… C’est comme si c’était une déportation”. Un mot fort, que reprend à son compte le directeur général de l’AED en France, Marc Fromager : “Derrière ce mot, il y a l’action voulue et organisée de prélever de la Syrie les forces vives, on peut parler de rapt”, ajoute-t-il, “La plupart des migrants arrivés cet été en Europe sont des hommes jeunes, qui pourraient reconstruire le Moyen-Orient, notamment la Syrie, lorsque la guerre sera terminée. Si tout le monde est parti, qui va reconstruire ce pays ? Le mot ‘déportation’ est fort mais correspond à la réalité”.
Un complot occidental ?
Mgr Jeanbart, lui, va plus loin et s’interroge : “C’est la première fois de l’histoire que des centaine de milliers de personnes se déplacent comme ça, sous les yeux de la Turquie qui avait les moyens de les empêcher de passer. Cela justifiait auprès de l’opinion publique un silence et un laissez-faire face à d’éventuelles frappes”, souligne l’archevêque d’Alep, “je suis de plus en plus persuadé qu’il y avait un complot pour justifier une intervention militaire musclée en Syrie. Un complot des Etats-Unis, de l’Europe, de l’OTAN. Mais la donne a changé avec l’intervention soudaine russe, ils ont été pris de court”. Mgr Jeanbart le répète, il ne s’agit là pas d’une information mais d’une opinion personnelle. Il rappelle également que le pape François a, dès le début du conflit, été très positif envers la Syrie en demandant qu’il n’y ait pas de frappes. “Il a toujours poussé à une solution politique”. Revenant sur la situation des migrants, il rappelle les deux points de vue. Le point de vue occidental d’abord : “Si des réfugiés arrivent, il faut les accueillir, on ne peut pas les laisser dans leur souffrance et leur désarroi”. Le point de vue syrien, ensuite : “De notre côté, partir fait du tort au pays et aux immigrants eux-mêmes, car ils rêvent d’un monde meilleur. Ce monde meilleur, s’il y a des réformes dans le pays, ils l’auront sur place, peut-être mieux qu’en Europe”.
(…) Radio Notre Dame