Tribune de Michel Agier, anthropologue (Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, 7(006 Paris), appelant à ne pas détruire le “bidonville de Calais”.
Des sociabilités se croisent, se cherchent et se recomposent, elles sont cosmopolites de fait, mobilisent traducteurs et médiateurs. A Calais, ce principe de relation, qui fonde et refonde sans cesse toute société, n’a pas complètement cédé devant le principe de séparation qu’a imposé officiellement le gouvernement. Au contraire, de nouveaux engagements se sont manifestés contre cette forme de déshumanisation produite par l’encampement. Puis il y a maintenant la violence d’un sur-déplacement par la destruction du lieu qui commençait à être ainsi « habité » par ceux qui avaient été mis là de force.
Car il s’est passé dans le camp-bidonville de Calais en quelques mois des phénomènes, certes minimalistes mais bien réels, d’aménagement de l’espace, de socialisation, d’échanges avec les habitants, et de politisation des occupants, qu’on retrouve en général dans les camps contemporains, où ces différents caractères mettent cependant plus longtemps à se développer parce que l’isolement est plus grand et les ressources bien moins nombreuses. La politisation des migrants est généralement minimisée ces derniers temps en Europe dans les commentaires qui mettent plutôt en avant les figures plus attendues de la victime ou du délinquant, de la peur ou de la compassion. […]