21/02/2016
L’écrivain algérien Kamel Daoud annonce dans une lettre publiée samedi par Le Monde qu’il renonce au débat public et au journalisme après avoir été accusé par un groupe d’universitaires “d’alimenter les fantasmes islamophobes”.
Dans une tribune parue dans Le Monde du 12 février, ce collectif d’historiens, sociologues, philosophes et anthropologues réagissait à deux textes de Kamel Daoud concernant les agressions sexuelles commises pendant la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, dont les auteurs seraient des migrants.
Extraits de la tribune de ce collectif :
Dans le contexte européen, il épouse toutefois une islamophobie devenue majoritaire. Derrière son cas, nous nous alarmons de la tendance généralisée dans les sociétés européennes à racialiser ces violences sexuelles. Nous nous alarmons de la banalisation des discours racistes affublés des oripeaux d’une pensée humaniste qui ne s’est jamais si mal portée. (Le Monde)
Les membres du collectif : Noureddine Amara (historien), Joel Beinin (historien), Houda Ben Hamouda (historienne), Benoît Challand (sociologue), Jocelyne Dakhlia (historienne), Sonia Dayan-Herzbrun (sociologue), Muriam Haleh Davis (historienne), Giulia Fabbiano (anthropologue), Darcie Fontaine (historienne), David Theo Goldberg (philosophe), Ghassan Hage (anthropologue), Laleh Khalili (anthropologue), Tristan Leperlier (sociologue), Nadia Marzouki (politiste), Pascal Ménoret (anthropologue), Stéphanie Pouessel (anthropologue), Elizabeth Shakman Hurd (politiste), Thomas Serres (politiste), Seif Soudani (journaliste).
“C’est comme si un groupe d’universitaires algériens demandait à un intellectuel italien d’arrêter d’écrire sur ce pays“, a jugé Kamel Daoud interrogé par l’AFP.
Kamel Daoud affirmait notamment que “le sexe est la plus grande misère dans le monde d’Allah” et que “la femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée“.
“Aujourd’hui, avec les derniers flux d’immigrés du Moyen-Orient et d’Afrique, le rapport pathologique que certains pays du monde arabe entretiennent avec la femme fait irruption en Europe“, avait-il par ailleurs écrit.
“Que des universitaires pétitionnent contre moi aujourd’hui, à cause de ce texte, je trouve cela immoral : parce qu’ils ne vivent pas ma chair, ni ma terre”, écrit le romancier dans une lettre à son ami, l’essayiste américain Adam Shatz.
Merci à Yann
01/02/2016
Par Kamel Daoud
Que s’est-il passé à Cologne la nuit de la Saint-Sylvestre ? On peine à le savoir avec exactitude en lisant les comptes rendus, mais on sait – au moins – ce qui s’est passé dans les têtes. Celle des agresseurs, peut-être ; celle des Occidentaux, sûrement.
Fascinant résumé des jeux de fantasmes. Le « fait » en lui-même correspond on ne peut mieux au jeu d’images que l’Occidental se fait de l’« autre », le réfugié-immigré : angélisme, terreur, réactivation des peurs d’invasions barbares anciennes et base du binôme barbare-civilisé. Des immigrés accueillis s’attaquent à « nos » femmes, les agressent et les violent.
Cela correspond à l’idée que la droite et l’extrême droite ont toujours construite dans les discours contre l’accueil des réfugiés. Ces derniers sont assimilés aux agresseurs, même si l’on ne le sait pas encore avec certitude. Les coupables sont-ils des immigrés installés depuis longtemps ? Des réfugiés récents ? Des organisations criminelles ou de simples hooligans ? On n’attendra pas la réponse pour, déjà, délirer avec cohérence. Le « fait » a déjà réactivé le discours sur « doit-on accueillir ou s’enfermer ? » face à la misère du monde. Le fantasme n’a pas attendu les faits. […]
Mais fermer les yeux sur le long travail d’accueil et d’aide, et ce que cela signifie comme travail sur soi et sur les autres, est aussi un angélisme qui va tuer. Les réfugiés et les immigrés ne sont pas réductibles à la minorité d’une délinquance, mais cela pose le problème des « valeurs » à partager, à imposer, à défendre et à faire comprendre. Cela pose le problème de la responsabilité après l’accueil et qu’il faut assumer.
Merci à CS