Antoine Hennion, sociologue et Sébastien Thiéry, politologue, publie une lettre que la maire de Calais n’a pas adressée aux Calaisiennes et Calaisiens.
Ce n’est pas une marge « contenue », immonde, que les machines nettoieraient, c’est une ville monde, l’identité même de ce qu’est devenue notre ville.
Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
Vous entendrez, je le sais, toute la gravité de la lettre que je vous adresse aujourd’hui. […] Si nous rasons la jungle, c’est bien cette extraordinaire ville mondialisée, généreuse et active, qui serait rasée. Imaginez tous ces reportages, sur toutes les chaînes télé : « Calais chassant la solidarité » va faire le tour du monde. […]
De quel droit détruire des baraques, des écoles, des églises, des théâtres, des restaurants que des mains de tous pays et de toutes couleurs ont construits ensemble ? De quel droit détruire une cité fragile, mais d’autant plus vivante qu’elle ne tient que par le soutien continu que sa survie requiert – et qu’elle obtient. […]
À la préfète du Pas-de-Calais, j’ai demandé ce matin même de surseoir à la destruction de la jungle. J’ai en outre renoncé au projet de création du parc d’attraction Heroïc Land, et demandé que les 275 millions d’euro affectés à celui-ci par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire soient mobilisés pour ce chantier bien plus crucial pour la ville : construire l’hospitalité. Je vous demande avec moi de lancer un appel aux créateurs, architectes, urbanistes, afin que notre ville prenne l’envergure d’une utopie du XXIe siècle, et s’avance au-devant du monde, comme son avant-garde.
Nous sommes sur le seuil d’un immense renouveau. Je vous demande de vous engager pleinement dans celui-ci avec moi : nous ferons alors un miracle.