Le fait religieux au travail, dans les rapports avec les administrés, les usagers, les bénéficiaires, désarme souvent en France où, pendant des décennies, il était le plus souvent cantonné dans l’intimité des familles et des lieux de culte.
Aujourd’hui, sous l’influence de l’islam, sa présence s’affirme d’une manière renouvelée, obligeant les organisations à réapprendre le b.a. – ba de la conciliation entre la liberté de croire et de manifester sa croyance et la vie active et sociale. […]
Demandes de jours de congés pour les fêtes religieuses non chrétiennes, de pauses pour prier, port de signes religieux mais aussi refus d’exécuter certaines tâches, comme de manipuler des boissons alcoolisées, ou encore de travailler avec des femmes : faute de savoir faire dans l’entreprise, les occasions de tension et de conflits se développent. Selon une enquête annuelle de l’institut Randstad, la part des managers qui se disent « régulièrement » confrontés au fait religieux dans leur entreprise a doublé en un an, passant de 12 % à 23 %. […]
Le secteur public, au sens large, est lui aussi aux premières loges. Où classer le Coran dans une bibliothèque ? Peut-on y accepter des femmes portant un voile intégral qui accompagnent leurs enfants ? Que répondre à des parents qui demandent au centre social de leur commune de ne pas faire écouter de la musique à leurs enfants ? Comment comprendre ce qui se joue derrière les questions liées au corps lorsque l’on est infirmier, conseiller principal d’éducation ou personnel de cantine dans un établissement d’enseignement scolaire ?
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“Cadres administratifs, préfectures, municipalités, travailleurs sociaux nous sollicitent», explique Olivier Bobineau qui, après «vingt ans de travail académique» comme sociologue des religions, a fondé au début de l’année 2015 un cabinet de « conseils en sciences humaines», The Olive Branch. Il a ainsi aidé la Caisse nationale des allocations familiales à rédiger une charte de la laïcité, publiée en septembre.
Dans ces structures, témoigne-t-il, il y a un grand besoin de « faire monter en compétence, notamment sur ce qu’est l’islam. Il faut lutter contre le choc des émotions, le choc des identités, le choc des ignorances. Convaincre qu’il ne faut pas juger, que le problème n’est pas religieux, mais identitaire.»