Pour Cyrille Hanappe, architecte, la jungle de Calais est plus qu’un bidonville, elle est plus qu’une ville, elle est le laboratoire de la ville du XXIe siècle.
Les habitants de la jungle, quelles que soient leurs origines, sont le plus souvent des urbains ayant bénéficié d’un bon niveau d’éducation, des contemporains vivant dans un monde connecté et ouvert aux cultures du monde.
Le concept d’urbicide a été inventé en 1992 pour la multiethnique Sarajevo. Il se définit par la volonté d’un agresseur d’annihiler l’objet le plus complexe que les hommes parviennent à construire collectivement : une ville.
Multiculturelle, solidaire, écologique, dynamique, sympathique mais aussi sale, chaotique et mal équipée, la «jungle» de Calais n’est pas née d’un idéal utopique, mais de ce mélange de hasard et de nécessité qui fit naître toutes les grandes villes de l’Histoire. La jungle est le village du monde, le quartier de l’humanité, le forum des sociétés.
Autorisée sans limitation de temps il y a un an par le gouvernement et la mairie de Calais, elle s’est inventée depuis à la croisée des peuples qui l’ont investie. Qu’ils soient originaires du Soudan, d’Erythrée, de Syrie, d’Afghanistan, aussi bien que du Royaume-Uni, de France ou de Belgique, ils sont des milliers à la concevoir et à la construire depuis un an. […]
C’est cette ville que le gouvernement veut détruire car elle lui échappe, car elle est porteuse d’une idée différente du vivre ensemble, d’une société civile qui s’invente sans tutelle. La jungle est le pire des mondes possibles… mais l’Etat français ne sait aujourd’hui pas proposer mieux aux citoyens du monde.