Fdesouche

Pour Hughes Lagrange, sociologue et directeur de recherche au CNRS, c’est l’absence de vie communautaire musulmane qui permet au djihadisme de prospérer en France.
On se réfère souvent, pour expliquer la puissance de l’aspiration djihadiste en France, au fait que la «communauté musulmane» serait marginalisée. A mon sens, le problème est qu’il n’y a pas de communauté. Une élite composée de jeunes issus de l’immigration notamment maghrébine est entrée dans les institutions et a investi la vie politique jusqu’au plus haut niveau ; une fraction importante des jeunes de la «deuxième» et plus encore de la «troisième» génération est diplômée et a acquis des positions de responsabilité dans le privé comme dans le public. Parallèlement, ce sont, depuis plus de trois décennies maintenant, les mêmes quartiers d’où viennent ces jeunes qui nourrissent l’échec scolaire, le chômage et un certain nombre de dérives (drogue, délinquance) et qui servent de cadre de vie à une autre fraction de la jeunesse, elle aussi issue de l’immigration maghrébine et sahélienne.
Aucune institution communautaire, aucun mouvement de jeunes musulmans ne fédère ces deux jeunesses. Pas plus en Belgique, aux Pays-Bas – dont les populations immigrées ont des parentés avec la nôtre – qu’en France, l’ensemble des jeunes issus de l’immigration musulmane ne partagent un destin commun. […]
Pour ceux qui ont un emploi ou une famille, la «vie ordinaire» peut paraître acceptable faute d’être exaltante. Pour ceux qui sont en échec, l’aspiration à une dignité et à la reconnaissance passe par une nouvelle forme de nihilisme.
A l’instar d’une fraction de la jeunesse allemande dans la République de Weimar humiliée par le traité de Versailles, ils sont à la recherche d’absolu, de pureté.

Quand une fraction des jeunes adoptent un credo identitaire nationaliste et xénophobe, les jeunes en échec des quartiers pauvres et immigrés trouvent une rédemption dans l’islam radical.

[…] Que faire  ? Sur le plan social, l’enjeu est de réduire la fracture entre ces deux jeunesses, c’est-à-dire, premièrement, de favoriser la déségrégation sociale des quartiers immigrés sans prétendre en même temps rétablir une mixité culturelle (c’est-à-dire remettre les disqualifiés des «banlieues de l’islam» en contact avec des modèles de réussite de ces mêmes banlieues) ; deuxièmement, de mener une politique active pour l’emploi des moins éduqués ; troisièmement, d’accueillir la diversité au lieu de se focaliser sur le voile ou d’autres aspects légitimes d’expression de la diversité culturelle qui froissent les musulmans.
Le Monde

Fdesouche sur les réseaux sociaux