Témoignage. Une mère de famille âgée de 48 ans a aidé son compagnon , un migrant âgé de 26 ans arrivé du Cachemire, à entrer au Royaume-Uni. Elle a ensuite continué à faire passer des réfugiés, jusqu’à son arrestation. Son compagnon, lui, a disparu, sans laisser de traces.
«J’ai été amoureuse d’un migrant. Je l’ai aidé à passer en Angleterre et, depuis, je suis sans nouvelles de lui. M’a-t-il aimée ? M’a-t-il utilisée ? C’est une vérité que je ne veux pas connaître. Elle se situe quelque part dans cette zone aussi grise que le ciel de Calais, où je l’ai rencontré début 2015.
Ce jour de janvier, j’ai les bras chargés de pulls et de pantalons usés quand je rejoins les bénévoles pour la distribution de vêtements aux réfugiés de la “jungle”. Il est là, au milieu d’une trentaine d’autres, on dirait qu’il a enfilé toute sa valise sur lui. Il me semble un peu jeune, m’aborde, me demande mon prénom dans un anglais d’aéroport. J’ai 48 ans, lui 26. Il vient du Cachemire. Il a de grands yeux marron, l’iris se distingue mal de la pupille, on dirait qu’il a du mascara permanent sur ses grands cils. Devant sa cabane, j’apprends qu’il est arrivé tout seul, à 15 ans, en Europe, en Allemagne d’abord, et qu’il était cuisinier. Il me demande mon numéro, on a 20 ans et deux continents d’écart, mais je dis oui. […]
Un jour d’été, dans un café de Calais, il prend mes mains dans les siennes, passe ses doigts sur ma joue, ma mère m’a toujours dit : un homme qui te caresse le visage est amoureux de toi, c’est pour imprimer ta beauté. Il sanglote comme un enfant : “Je sers à rien, j’en peux plus d’errer.” Je prononce la phrase magique : “Je t’emmène en Angleterre.” […]
Photos, messages, lettres, j’ai tout détruit. Est-ce qu’il m’a utilisée ? On est quand même restés six mois ensemble avant que je l’emmène en Angleterre. Et c’est moi qui lui ai proposé le premier passage. »
Le Monde
Merci à grrr