[…] Demandez à un Turc ce qui motive son intérêt pour l’Union européenne, il vous répondra d’abord et avant tout «libre circulation». Autrement dit, être européen, c’est pour la grande majorité des Turcs, avoir le «droit de circuler librement» en Europe. Et grâce à l’accord UE-réfugiés, ils vont peut-être pouvoir réaliser ce rêve dans quelques semaines au contraire des migrants syriens, afghans, irakiens, africains et autres qui reflueront vers la Turquie.
Pour les Turcs, ce rêve s’est heurté pendant des décennies aux longues files d’attente devant les portes des consulats européens pour l’obtention aléatoire d’un visa. Il manquait toujours quelque chose dans le dossier: une garantie, une photo, un papier… Excédés, des professeurs renommés, des artistes, des Turcs renonçaient à venir en Europe –où environ 4 millions d’entre eux vivaient déjà à la fin 2010– plutôt que de passer par les fourches caudines humiliantes des services consulaires. […]
Or grâce à l’accord sur les réfugiés conclu le 18 mars par l’UE avec la Turquie, et qui doit entrer en vigueur ce 4 avril, le rêve des Turcs, se rendre en Europe sans avoir besoin de demander de visa, pourrait devenir réalité dans quelques semaines. Car la libre circulation des Turcs est l’un des «prix à payer» demandé par la Turquie à l’UE pour l’application de cet «accord de la honte», ainsi qu’Amnesty International le qualifie.
On connaît bien deux des lignes de la «facture» acceptée par Bruxelles: 6 milliards d’ici 2018 pour l’accueil et l’entretien des réfugiés sur le sol turc et la reprise des négociations d’adhésion (laquelle est pourtant de moins en moins probable dans la configuration actuelle de l’Union européenne à vingt-huit, ce que tout le monde sait mais personne ne dit).
Mais on parle beaucoup moins du «troisième prix à payer»: la levée de l’obligation de visa imposée aux ressortissants turcs désirant voyager sur le territoire de l’UE. Si les négociateurs turcs obtiennent son application en juin, comme cela est prévu, n’importe quel Turc pourvu d’un passeport biométrique pourra se rendre librement en Europe pour un maximum de trois mois. Ce qui vaudra au pouvoir turc et au président Erdogan un énorme satisfecit populaire bien au-delà du camp islamo-conservateur. […]
Merci à alma