Que faut-il comprendre de l’extrémisme religieux meurtrier qui traverse l’islam ? Comment en sortir ? “Décryptage” de l’islamologue franco-marocain Rachid Benzine. Propos recueillis par Malick Diawara.
“Le wahhabisme est devenu le modèle même de l’orthodoxie sunnite”.
[…] En ce qui concerne la « radicalisation » ou – formulation que je préfère – l’engagement dans un islam ultra et meurtrier, je pense surtout à tout un processus par lequel passent ces jeunes, et qui se décline en cinq étapes.“Une grande partie de l’islam enseigné dans les grands centres de formation d’imams et de jurisconsultes du monde entier est de nos jours influencé soit par le wahhabisme, soit par la doctrine des Frères musulmans.”
D’abord, ils en viennent à dire « nous » et « eux », soit d’un côté les musulmans, et d’autre part « les autres ». Ensuite, ils disqualifient progressivement ces « autres » en les opposant au « nous » les musulmans, les désignant comme « kuffār » ( « impies » ).
Puis ces autres deviennent de plus en plus méprisables, sont niés dans leur humanité même. Là se fait l’entrée en violence.[…]
Pensez-vous que la vague extrémiste va continuer à se répandre ? Que faut-il faire, selon vous, pour l’arrêter ?
Nous ne sommes certainement pas près de voir cette « vague extrémiste », comme vous dîtes, refluer et disparaître. […]
L’islam est-il parti pour être un élément de la désintégration des musulmans dans les sociétés occidentales ?
[…] L’islam constitue pour ces sociétés un sujet d’inquiétude et de peur, et cela se traduit par une montée en puissance de ce que l’on appelle « l’islamophobie ». Mais c’est aussi dans ces sociétés que peuvent le plus facilement émerger des manières nouvelles de penser l’islam et de le vivre. […]Que faut-il faire pour que l’islam soit perçu comme un enrichissement par les sociétés occidentales, et non plus une source de peur ?
Ce sont les musulmans d’Europe qui pourront le mieux contribuer à changer le regard des non-musulmans à leur égard. Il est certain que, aujourd’hui, on attend d’eux qu’ils se montrent des citoyens exemplaires, plus exemplaires que les autres, devant donner des preuves de leur loyauté aux sociétés auxquelles désormais ils appartiennent. Ils peuvent en souffrir, mais il faut qu’ils parviennent à sortir du piège dans lequel Daech les a emprisonnés.