L’affaire est sortie un 1er avril, sans doute parce qu’il s’agissait d’attraper un gros poisson. Rien moins que le philosophe français le plus lu et commenté au monde, star de l’université, icône de la gauche radicale : Alain Badiou. Anouk Barberousse et Philippe Huneman, respectivement professeure à la Sorbonne et directeur de recherche au CNRS, ont révélé être parvenus à faire publier un texte écrit de leur main, dénué de sens, dans une jeune revue britannique en ligne, Badiou Studies, pourtant dotée d’une instance d’évaluation.
Le fait que leur article, mimant une phraséologie nébuleuse et titré « Ontology, Neutrality and Strive for (non-)Being-Queer » (« Ontologie, neutralité et le désir de [ne pas] être-queer »), avec la signature d’une universitaire roumaine, ait été mis en ligne leur a inspiré un long et sérieux commentaire, disponible sur le site du Carnet Zilsel. Ils y dénoncent, sans ambages, la place du philosophe dans la pensée française, soulignant son « pouvoir académique » et son « arrogance constante »…
Le lendemain, l’intéressé, qui se compare en effet aux plus grands philosophes, déclarait, sur Mediapart, être frappé par «l’ignorance totale de [son] œuvre que révèlent les manœuvres de deux ratés de la philosophie qui s’égarent dans leurs minuscules machinations».
D’un côté, donc, des « sous-fifres » qui se prennent pour des justiciers ; de l’autre, un « philosophe comme un autre », qui se fait passer pour un « maître » auprès d’un public « branché ». Les canulars ne sont pas drôles longtemps. […]
Le blog du Monde bigbrowser conclut sur cette affaire :
En deux mots comme en mille : plus un propos est complexe, plus l’effet d’intimidation est puissant, et plus les lecteurs ont tendance à croire que l’auteur est un “grand penseur” qu’ils sont simplement trop bêtes pour comprendre. En pratique, le comité éditorial des Badiou Studies n’est pas en reste dans cette tyrannie de la”langue pseudo-scientifique”, puisqu’il a laissé passer, en toute bonne foi, un article sans queue ni tête.