Notre «dernier écrivain», comme il aime à se qualifier, ancien éditeur chez Gallimard et nouveau rédacteur en chef de la Revue littéraire, s’essaye depuis quelque temps dans le très politiquement incorrect : il ne fait que tomber dans la déraison la plus sourde. Comme il hurle, après son Eloge littéraire d’Anders Breivik, que tout le monde le censure, Richard Millet, auteur de plus de 80 ouvrages, a en effet ouvert un blog il y a quelques mois. Et tant pis s’il abhorrait Internet : cela lui permettait de critiquer bon nombre d’écrivains, auxquels il donnait des surnoms peu élégants, comme «Tahar ben Semoule», «Anus Ernie», ou «Babyliss de Kerangal». Qui souriait ? Personne. Mais personne ne disait rien. Hélas, cette semaine, voilà ce que Millet écrit sur ce blog, au sujet de la ministre El Khomri : «Ce qui me gêne, dans cette affaire, ce n’est pas qu’une réforme échoue (gouverner, en France, c’est reculer devant trois syndicalistes et 10 étudiants qui braillent dans la rue) ; c’est surtout qu’une loi aussi importante puisse porter un nom arabe : n’est-ce pas là un signe, parmi tant d’autres, de l’islamisation de la République ? Davantage : si l’on se rappelle que le maroquin de l’Education postnationale est détenu par une ministresse d’origine marocaine, comme Mme El Khomri, on se trouve devant une surreprésentation ethnico-minoritaire qui va à l’encontre de la discrimination positive chère à la droite ultralibérale. Les leçons qu’on en pourrait tirer tomberaient sous le coup de la loi ; aussi les tairai-je.»
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Cher Richard Millet : vous voyez tout de même que personne ne vous censure. D’ailleurs, relisez votre dernière phrase : «aussi les tairai-je»… Vous vous censurez vous-même. Je crains d’ailleurs que vous ne parliez désormais qu’à vous-même. Et avec la tristesse de ceux qui auraient tellement aimé que vous fussiez un grand écrivain, ouvert à d’autres vies qu’à la vôtre, nous vous laissons avec vous-même, et avec votre fantasme mortifère de hanté pénultième.
Marianne