Article du Monde sur le livre de Géraldine Smith,« Rue Jean-Pierre-Timbaud. Une vie de famille entre barbus et bobos ». La rue Jean-Pierre Timbaud, dans le 11e arrondissement de Paris. Titre de l’article : “Les ratés de la mixité sociale dans l’Est parisien”.
« Bobo », « classe créative », « branchés »… Chacune de ces expressions recouvre une réalité un peu honteuse, celle de milieux mi-intellos, mi-artistes, conscients des enjeux politiques et sociaux de ce monde, mais qui, plutôt que de les affronter directement, préfèrent faire un pas de côté, en s’imaginant que des solutions esthétiques suffiront pour les apaiser. Ils investissent par exemple des quartiers populaires, croyant venir ajouter aux « United Colors of Benetton » […]
Au fil du temps, la bonne conscience bobo ne tient toutefois pas le choc de la réalité.
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Après avoir élevé ses deux enfants à proximité, elle revient, plus de dix ans après, dans un quartier où l’islam intégriste et les petits vendeurs de drogue prospèrent, où la République n’arrive plus à intégrer ses enfants, et où les incivilités seraient devenues insupportables. Ces retrouvailles se font alors que c’est précisément ce Paris-là qui est devenu une scène d’attentats, en 2015. […]
Elle fait donc le récit de sa vie dans ces rues. On croise amis et connaissances, parents d’élèves, directeurs d’école publique ou privée, cafetiers, mais aussi les enfants laissés à eux-mêmes, les dealers, les mamans voilées, les boulangers musulmans qui servent les femmes en dernier, le tout dans une ambiance qui s’alourdit sous le poids d’un islam de plus en plus intolérant, qui flique et quadrille le quartier grâce à la tristement célèbre mosquée Omar, au coin des rues Jean-Pierre-Timbaud et Morand, et aux librairies des alentours.
Sous les traits de cette journaliste, il serait tentant de découvrir l’un de ces « catholiques zombies » fustigés par Emmanuel Todd dans son essai Qui est Charlie ? (Seuil, 2015). Le démographe visait ainsi cette frange de l’opinion de gauche qui a reçu une éducation catholique, mais qui, sans avoir la foi, en a gardé les réflexes xénophobes, notamment à l’égard des musulmans. Géraldine Smith, qui ne cache pas son éducation religieuse, pourrait entrer dans cette catégorie, mais ce serait sous-entendre qu’elle est islamophobe, ce qui serait abusif.