De plus en plus de musulmanes portent le hijab. Simple mode ?
“Ah les femmes ! Vous mettez des heures à choisir vos vêtements !”, plaisante Ahmed, dans sa petite échoppe du Marché du soleil. C’est qu’il y en a du choix, sur les étals du souk de la Porte d’Aix, où les clientes farfouillent frénétiquement : robes de soirées orientales, djellabas, babouches, pyjamas. Et aussi, depuis quelques années, deskhimars, ces longs voiles qui couvrent la tête et les épaules ; et des jilbabs, composés d’une ou deux pièces, qui enveloppent le corps de la tête au pied.
Les voilà, ces fameux vêtements islamiques qui créent la polémique depuis quelques semaines. Dans les boutiques de la Porte d’Aix, on n’a pas attendu les collections de “mode pudique” annoncées par H&M et Dolce Gabbana . Au milieu des mini-shorts et des tenues décolletées bon marché, le voile et les tenues “modestes” sont en bonne place dans les vitrines. Au centre-ville, dans les quartiers Nord, le hijab a gagné du terrain. Souvent porté par des jeunes filles, certaines en jupe longue, d’autres en jeans et en perfecto… Le voile islamique est-il un simple accessoire vestimentaire, comme l’ont soutenu récemment des étudiantes de Sciences Po Paris, organisatrices d’un Hijab Daycontroversé ? Ou le signe d’une volonté de prosélytisme associé au recul des droits des femmes, soumises à une emprise communautaire ? Qu’est-ce que le voile dévoile ?
Au Marché du soleil, Ahmed ne se pose pas la question. “Moi, je fais juste du commerce, depuis 35 ans. Et je m’adapte à la demande des clientes. D’ailleurs, pour le jilbab, j’ai aussi des modèles pour les fillettes.” Bien plus discret, un autre vêtement islamique fait fureur rue Camille-Pelletan : la cagoule ou le bonnet en jersey dissimulant les cheveux sous le voile. “Certaines clientes en restent à des modèles classiques, noirs ou gris, d’autres, souvent les jeunes, recherchent un peu de fantaisie”, explique un commerçant de la rue du Bon-Pasteur, en montrant des cagoules aux couleurs vives, ornées de dentelles et même de strass et de paillettes ! “C’est bien d’avoir le choix, de pouvoir varier sa tenue, changer de couleurs. Vous savez, on peut vouloir cacher ses formes tout en restant jolie, féminine”, commente Dounia. Voilée de noir, cette jeune femme fait du shopping avec sa belle-soeur, qui porte un foulard crème… et un maquillage appuyé : “Sortir sans khôl ni rouge à lèvres ? Moi, jamais !”, rigole-t-elle. D’ailleurs, “ça, ce n’est pas interdit par le Coran”.
Le voile, en revanche, est pour Dounia “une prescription religieuse” ; tout en restant, assure-t-elle, “un choix personnel” . “J’ai redécouvert la religion à ma sortie du lycée et j’ai décidé de me conformer aux commandements du Prophète”, explique-t-elle. Au travail toutefois, Dounia renonce au voile, sans problème : “Ce n’est pas autorisé dans mon entreprise, donc je n’ai pas le choix”. En couvrant leurs cheveux, ces deux jeunes femmes veulent aussi “faire passer un message” : “Cela signifie que nous appartenons à une communauté et que nous sommes pratiquantes.” La mère de Dounia les rejoint. Cheveux au vent. “Chez nous, chacune fait ce qu’elle veut et mon mari n’a rien à dire !”, assène-t-elle.
Mais à la Porte d’Aix, tout le monde n’est pas disposé à parler chiffons. Dans les “boutiques religieuses” qu’on nous désigne, les questions des journalistes ne sont pas les bienvenues. Ici, on nous renvoie vers une adresse imaginaire. Là, le vendeur nous pousse pas vraiment gentiment vers la sortie. À la boutique Jilbabs et Quemis (la robe masculine, Ndlr), rue du Bon Pasteur, point de fanfreluches, de paillettes, de foulards colorés. Les articles féminins, que le responsable nous interdit de photographier, sont noirs, longs et lugubres.
En tête de gondole, un modèle de niqab : ce suaire noir qui enferme entièrement le corps des femmes, à l’exception des yeux. Ce vêtement, obligatoire en Arabie Saoudite, nous rappelle que, non, les femmes n’ont pas toujours le choix… […]
Merci à Lilib