La maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) est devenue un lieu de passage aussi banal que le club de foot ou les bancs de l’école.
«Villepinte» est devenue, dans les cités de Seine-Saint-Denis, un lieu de passage aussi banal que les clubs de foot, les bancs de l’école, les salles de boxe et les centres socio-culturels. Ceux qui n’y sont pas passés y ont presque à coup sûr un ami, un frère, un cousin.
[…]« Villepinte a hérité du plus mauvais surnom qu’on puisse imaginer pour une prison : «la passoire ». Non parce qu’on s’en évade, mais parce que tout y rentre.
Aux A1 et B1, il faut prendre garde à ne pas se faire « hagra » ; un autre terme arabe qui signifie « se faire mettre à l’amende ». «Dans ces bâtiments, si tu es trop faible, si tu n’as pas de soutien, tu deviens le chiffon des autres. Ils font de toi ce qu’ils veulent, ils prennent tes chaussures, ils volent ton tabac, ils t’humilient…», raconte Michel. Son codétenu, originaire du centre de la France et sans relais dans le coin, a longtemps refusé de descendre en promenade parce qu’il n’appartenait pas à cet univers. « Les autres ont fini par penser que c’était un pointeur [violeur], alors que ce n’était pas du tout le cas », explique-t-il. […]
En cet après-midi d’octobre 2015, Olivia Falcot, jeune assistante sociale, s’assoit dans le local glacial de l’association Habitats solidaires pour laquelle elle travaille dans le quartier du Chêne pointu, à Clichy-sous-Bois. Nous sommes au rez-de-chaussée d’une de ces barres d’immeubles délabrées pleines de courants d’air, de grisaille et d’ascenseurs en panne. La jeune assistante sociale n’a pas quitté sa veste K-way et, quand elle parle, de petits nuages de froid sortent de sa bouche. […]
Mounir est arrivé, vêtu d’un pantalon de survêtement Nike noir et d’une paire de baskets neuves. «Il en a une nouvelle à chaque fois que je le vois.» Durant une heure vingt, ils ont « fait des papiers », comme ils le faisaient dehors avant la condamnation : un dossier pour redemander un titre de séjour (Mounir est marocain), un autre pour la CAF, un troisième pour une demande d’aide juridictionnelle dans un procès aux prud’hommes… […]