Le philosophe Yves Michaud, qui se définit comme « libéral de gauche », prône le retour à une version radicale de la philosophie des Lumières et dénonce les dangers de la « bienveillance » en politique. Il vient de publier « Contre la bienveillance », dans lequel il prône un nouveau contrat social pour s’opposer à la montée du fondamentalisme religieux et des populismes.
« L’identité nationale ne veut rien dire, c’est un concept de l’ordre du fantasme. Pour moi, on est français quand on respecte les règles républicaines. Point »
J’ai longtemps partagé les idées de Claude Lefort, pour qui la démocratie se définit par l’affrontement pacifique des différences. Mais quand des communautés ne veulent renoncer à aucune de leurs valeurs, cette position devient intenable.
Pourquoi s’en prendre à la bienveillance, qui est considérée comme une qualité ?
La bienveillance est un sentiment social, nécessaire à la sphère privée. Pour les philosophes du XVIIIe siècle, c’est un facilitateur de relations sociales, rien de plus. Mais si on en tient compte pour gouverner la collectivité, elle devient dangereuse, car elle conduit à se montrer bienveillant avec tous les droits catégoriels. C’est le cas quand nous concédons des droits spécifiques aux communautés religieuses, ethniques ou aux groupes de pression. La politique des bons sentiments et de la compassion mène alors à l’aveuglement. On ne voit pas que ces droits émiettés font reculer la liberté collective. Je pense aux lois mémorielles, qui selon moi devraient être supprimées, ou aux attaques de collectifs se revendiquant Noirs contre les travaux de l’historien Olivier Genouilleau sur la traite négrière. Légitimer les droits catégoriels, c’est faire monter les partis populistes, de Podemos au FN, qui capitalisent sur toutes ces plaintes hétérogènes.
Est-on trop bienveillant avec l’islamisme ?
[…]Quand on ouvre les yeux, on est forcé de reconnaître que l’islam n’est pas compatible avec la démocratie. Pour la plupart des musulmans, ne pas croire est un crime, la charia prime sur tout autre droit, et l’apostasie est absolument interdite.
Vous allez être taxé de réactionnaire…
J’ai beaucoup hésité à écrire ce livre. J’ai même été perturbé par les thèses que je développais. Mais je ne crois pas avoir écrit un livre réactionnaire. Cela fait plus de quarante ans que face aux certitudes des communistes, maoïstes, trotskistes, gauchistes, j’assume mon étiquette de libéral de gauche, au sens du XIXe siècle, de partisan de la liberté. Or, il faut consolider cette liberté. Si être réactionnaire, c’est vouloir revenir à la philosophie des Lumières radicales, j’assume totalement.