Le général (2e section) Jean-Marie BELMER a écrit à Alain Juppé.
De la même manière qu’il convient de ne pas mettre tous les hommes politiques dans le même sac, un homme politique qui se respecte s’interdit tout amalgame discriminatoire. Les militaires sont des citoyens respectables. Parmi eux, vous trouverez probablement des individus critiquables mais vous ne trouverez pas de repris de justice.
Ceux dont vous attendez qu’ils ne pensent pas en dehors de certaines limites et qu’ils ferment leurs gueules, savent que le Président de la République, est le chef des Armées. Je ne me tromperai pas en disant que, comme toute la communauté militaire, ils auraient un haut le cœur à la simple idée de vous imaginer, dans un véhicule de commandement, passer les troupes en revue le 14 juillet 2017.
asafrance
Merci à r Stormisbrewing
Le 25 avril, en écho à la publication par le général de gendarmerie Bertrand Soubelet – sanctionné depuis – de « Tout ce qu’il ne faut pas dire » (Plon), Alain Juppé déclarait devant les étudiants de l’IEP de Bordeaux qu’« un militaire, c’est comme un ministre : ça ferme sa gueule ou ça s’en va ». Le général de division Vincent Desportes lui répond.
Votre livre programme ose s’intituler : Pour un Etat fort, alors même que l’armée, à peine mentionnée, en est la grande absente.
Vous avez d’abord tort sur le fond. Non, les militaires n’ont pas « à la fermer » comme un ministre. La première loyauté d’un ministre au service d’une politique fluctuante, souvent politicienne, est envers son président. La première loyauté d’un militaire au service permanent de la nation, de ses intérêts et de ses valeurs, est envers la France. Structuré par l’éthique de conviction, il doit prendre la parole pour lui rester fidèle, plutôt que de la renier. […]
Les responsables militaires sont les mieux placés pour réfléchir aux conditions d’emploi des armées, pour apprécier les menaces, élaborer les solutions militaires propres à l’atteinte des buts politiques. Experts en leur domaine, les militaires ont, vis-à-vis de la nation, un devoir d’alerte. […]
Qu’implicitement vous souteniez un exécutif qui a puni d’une « mutation-sanction » un officier général dont le seul tort est d’avoir dit la vérité aux représentants de la nation dénote une attitude dangereuse. Fallait-il que le général Soubelet mente devant une commission parlementaire le 18 décembre 2013 ? Quelle est cette démocratie dont l’exécutif punit une de ses autorités parce qu’elle est sincère vis-à-vis des représentants du corps législatif ? Pourquoi la démocratie américaine, avant toute audition au Sénat, fait-elle jurer aux intervenants de dire toute la vérité, quand notre propre démocratie sanctionne à l’inverse ceux qui se tiennent à l’exactitude des faits ? […]
Les règles sont connues. La première : tant que le militaire est sous l’uniforme, il ne peut s’exprimer ; et lorsqu’il ne l’est plus, il n’a plus de légitimité à le faire. La seconde : si, sous l’uniforme, il s’exprime en dehors du champ technique, il est aussitôt sermonné ou sanctionné ; si, ayant compris cette impossibilité, il parle sous couvert d’anonymat, on lui reproche illico sa couardise, on l’accuse de complotisme, on fouille de manière illégale son ordinateur, on interroge ses proches, on le fait suivre et on le met sur écoute comme un criminel. Je l’ai vécu. […]
Le Monde