L’État veut professionnaliser le suivi des 13.000 personnes signalées comme islamistes radicaux. Défriché par de rares pionniers il y a deux ans à peine, le champ du désembrigadement des personnes ayant basculé dans l’islamisme radical est désormais investi par un maquis de thérapeutes, de travailleurs sociaux et d’experts de tout acabit.
Actuellement, 1 679 jeunes signalés comme radicalisés et 782 familles sont pris en charge. Une cohorte appelée à enfler, à mesure que la gangrène radicale gagnera le pays.
«En 2014, il n’y avait guère qu’une paire de structures pour partir à l’aventure sur un terrain qui n’intéressait personne ou presque, rappelle le préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD). Depuis les attentats de 2015, beaucoup d’acteurs s’y sont engagés dans une saine émulation et, parfois, pour des raisons d’opportunité.»
Un document transmis cette semaine au ministère de l’Intérieur recense près de 75 structures reconnues et financées par l’État. Le montant global des subventions est passé de 500.000 à 6 millions d’euros entre 2014 et 2016, en augmentation de plus de 1 000 % ! Portant sur l’«accompagnement psychologique», l’«accompagnement éducatif et social des jeunes», le «soutien à la parentalité» ou encore l’«écoute et l’accompagnement des familles», elles sont animées par des associations, des mairies, des conseils départementaux, des antennes Pôle emploi, des centres hospitaliers ou encore psychiatriques.
Ce «marché» de la prise en charge des apprentis djihadistes et de leurs familles a explosé. Au risque que s’y engouffrent des charlatans et des structures qui s’entre-déchirent dans l’espoir de décrocher une partie de la manne étatique. «Le désendoctrinement risque de devenir un business, où tout le monde court après les subsides de l’État», redoute la sénatrice (EELV) Esther Benbassa qui mène avec sa collègue Catherine Troendlé (LR) une mission d’information sur les méthodes de «désendoctrinement, désembrigadement et de réinsertion» des anciens djihadistes ou candidats au djihad mises en œuvre en France et en Europe. […]
Partant du constat que «5 à 10 % des signalés présentent une pathologie psychiatrique» allant de la dépression à la schizophrénie en passant par la sociopathie de sujets décrits comme «border line», la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, présidée par Serge Blisko, a été mandatée pour réunir des collèges de psychologues, de psychothérapeutes et de psychiatres afin de plancher sur les questions de désembrigadement et forger enfin des outils de références dignes de ce nom mis à la disposition d’un réseau d’experts. L’État mise sur le déploiement de 300 à 400 «psys» spécialisés et labélisés d’ici à la fin de l’année. […]
Le Figaro