Sadiq Khan, candidat travailliste à la mairie de Londres, est devenu le premier maire musulman d’une grande capitale occidentale. Essayiste française, Laetitia Strauch-Bonnart habite à Londres. Elle décrypte les raisons d’une victoire très symbolique.
Sadiq Khan, candidat travailliste à la mairie de Londres est devenu le premier maire musulman d’une grande capitale occidental. Cela est-il un symbole important en Grande-Bretagne ?
Cette victoire reflète le profond changement démographique qui s’est opéré en Grande-Bretagne et surtout à Londres depuis les dernières décennies, puisque les musulmans représentent aujourd’hui 12,4% de la population de la capitale, une proportion qui croît d’ailleurs bien plus vite que celle des autres communautés.
Londres est-elle la ville du multiculturalisme heureux ?
En Grande-Bretagne, en apparence, tout se passe bien. Les musulmans modérés sont tout à fait intégrés. Ce qui est assez problématique – comme dans d’autres villes européennes -, c’est l’existence de quartiers entiers où le séparatisme identitaire est visible. C’est le cas dans l’Est de London, notamment dans le borough de Tower Hamlets. 30% de la population y est musulmane, concentrée dans des council houses. En 2014, l’ancien maire, Lutfur Rahman, a été limogé après des soupçons de fraude et de favoritisme communautaire.
A Tower Hamlets, beaucoup de femmes sont voilées de pied en cap, suivies de près par leurs maris. La difficulté qui en découle est à la fois anecdotique et majeure: vous ne pourriez pas, si vous en aviez envie, engager la conversation avec elles, car ce voile crée une barrière. Situation rare en France, elle est très fréquente ici. Et pourtant ce quartier abrite l’une des meilleures universités de Londres, Queen Mary University, qui brasse des étudiants du monde entier. Les populations se côtoient donc sans se parler, sans se connaître. Difficile d’y voir un multiculturalisme heureux – ni malheureux d’ailleurs: c’est bien plutôt un multiculturalisme de l’indifférence. […]
On a mis a jour dans les dernières années de nombreux cas d’abus sexuels sur mineurs, perpétrés par des «gangs» dont les membres étaient d’origine musulmane. Ce fut le cas à Rotherham entre 1997 and 2013, où 1400 jeunes filles ont été violées. […]
La multiplicité des cas est frappante. Surtout, tous les membres des gangs étaient à chaque fois d’origine musulmane, et les jeunes filles – âgées parfois de 12 ans – blanches. C’est pourquoi depuis 2014, date où les premiers rapports officiels ont été publiés, on s’interroge sur une éventuelle motivation ethnique des agresseurs.[…]
Le Figaro