La dernière note du Conseil d’analyse économique (CAE), organisme rattaché au premier ministre, s’attaque à un sujet crucial : celui de la fuite des cerveaux – et, plus largement, de « la mobilité internationale des talents ».
Certes, il faut se réjouir de la mobilité des étudiants et des jeunes diplômés. Qu’ils soient ouverts sur le monde, mobiles, curieux des autres, avides de découvertes, dynamiques, c’est un signe de vitalité, c’est porteur de promesses pour notre pays. Que ne dirait-on pas, en effet, si les jeunes générations choisissaient de vivre repliées sur l’Hexagone, à l’abri de nos frontières ?La réalité est tout de même inquiétante. […]
A l’évidence, c’est notre modèle de société tout entier qui est touché et questionné par l’essor de la mobilité internationale. Le CAE pointe d’ailleurs le danger suivant : que des jeunes diplômés, après des études financées, pour partie ou pour l’essentiel, par le contribuable, décident d’aller sous d’autres cieux « rentabiliser » leur bagage, quitte à revenir ensuite dans l’Hexagone pour y bénéficier de la scolarité gratuite de leurs enfants et de notre système de soin. Ce qui, selon les auteurs, soulève un problème d’équité, « les contribuables finançant des études pour des individus qui ne contribueraient pas au système fiscal ni à la croissance du pays » ; et aussi le risque que, faute de rentrées fiscales, l’Etat en vienne à réduire ses investissements dans l’enseignement supérieur à un moment où, au contraire, il faudrait investir davantage dans les universités et les écoles. « Une part importante de l’enseignement supérieur est financée par des prélèvements obligatoires pour former des “cerveaux” qui in fine sont de plus en plus nombreux à partir renforcer des économies étrangères, rappellent les auteurs de la note. Cette situation n’est pas tenable si les flux s’accélèrent. » […]
Le CAE propose donc de prendre (enfin) le problème à bras-le-corps, et d’élaborer une « stratégie cohérente« , pour faire face à cet enjeu. La prochaine élection présidentielle peut être l’occasion, sur ce sujet comme sur bien d’autres, d’une réflexion collective et d’une remise à plat.Il suggère notamment d’instaurer des droits d’inscription « différenciés » (traduisez : plus élevés) pour les étudiants non Européens. Ces droits devraient représenter au moins la moitié du coût réel d’une année d’études, soit 4 000 à 6 000 euros par an. De quoi procurer une sérieuse bouffée d’oxygène à des universités en mal de financement. En contrepartie, les étudiants internationaux bénéficieraient d’un meilleur accueil dans nos établissements.
Autre proposition du CAE : encourager (y compris par des aides financières ?) le retour en France des docteurs et des titulaires d’un master. Ou encore, favoriser de la même façon l’accueil de diplômés étrangers. […]
Faut-il s’engager, en définitive, dans une politique d’immigration choisie ou « sélective » ? La question se pose, en effet, dans un contexte où nombre de nos voisins et partenaires (l’Allemagne, la Suisse, le Canada, la Grande-Bretagne…) n’ont pas ces pudeurs, et pratiquent allègrement le « brain drain ». Les réticences ne manquent pas, certes. Après tout, cela s’appelle être pragmatique.
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