Le philosophe analyse l’éclatement de la gauche française et les mouvements de radicalisation qu’incarnent Nuit debout et le courant islamo-gauchiste. Il revient sur l’affaire Black M, fiasco d’un «gouvernement qui oscille entre dogmatisme et frivolité».
L’auteur de La Sagesse de l’argent voit par ailleurs dans Emmanuel Macron l’héritier de Guizot et considère que la figure de l’intellectuel de gauche, qui depuis quarante ans dominait la vie des idées, est en voie de disparition. Il prolongera cette passionnante conversation, le 31 mai, Salle Gaveau, lors de la prochaine Rencontre du Figaro.
Toute l’ultra-gauche est fascinée par la puissance éruptive du djihadisme. Cette alliance a été théorisée par le Socialist Workers Party (des trotskistes) en Angleterre: sous certaines conditions, l’alliance avec les musulmans même rétrogrades est nécessaire pour ébranler la forteresse capitaliste. Ce qu’on a raté avec les prolétariats, le tiers-monde, on va le réaliser avec ce monothéisme sacrificiel dont les fidèles forment un prolétariat de substitution. C’est ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme.
Il est regrettable que la gauche n’ait pas été la première à se mobiliser contre l’invitation de Black M à Verdun et ait laissé la protestation légitime au Front national. Mme Azoulay, dont on se demande si elle sait qui est Black M, a crié au retour «d’un ordre moral nauséabond»: c’est désolant. Cet antifascisme est tragiquement bête.
Vous avez qualifié le mouvement Nuit debout de «Mai 68 dépressif»…
Nuit debout est d’abord une coproduction médiatico-élyséenne : on a vu le président se féliciter que la jeunesse se rassemble, discute. Son espoir était clair: tant qu’ils palabrent, ils ne cassent rien. Pendant qu’ils réécrivent la Constitution, ils ne pensent pas à la loi El Khomri. C’est l’inverse qui s’est produit. Le mouvement, branché sur les réseaux sociaux, est extraordinairement réactif à l’actualité et accompagne toutes ses interventions de violence. […]
J’ajoute que les Parisiens qui ont payé de leur poche la restauration de la place de la République voient ce lieu régulièrement détruit, brûlé, privatisé par quelques centaines d’individus, on y casse le macadam pour y planter des graines ! […]
Nuit debout, c’est aussi un crachat lancé au visage des victimes de janvier et de novembre 2015. L’un des leaders du mouvement a expliqué que la place de la République est habitée de passions tristes et qu’il faut y substituer une subversion joyeuse. On n’a pas osé arracher les fleurs et les témoignages de solidarité, mais on voit bien que ce sont deux mondes qui s’ignorent. La vérité est que, pour l’ultra-gauche, il n’y a pas eu d’attentats: la France a payé sa politique belliqueuse et «islamophobe» et l’a bien cherché. Il faut combattre le seul ennemi: l’économie de marché, la bourgeoisie et ses laquais, l’État et la police. […]
La légitimité du pouvoir est remise en cause ?
À chaque protestation violente se pose le problème de la légitimité du chef de l’État. Depuis 2012, le pouvoir semble vide. Hollande se fait insulter, piétiner au Salon de l’agriculture, il laisse une journaliste lui dire «Vous plaisantez, Monsieur le Président?» sans réagir et, derrière chaque humiliation, c’est la France elle-même qui est humiliée. […]
Merci à handsome55