C’est un petit monde où chacun a son surnom : Mohamed Benabdelhak, dit “le bombé”, Djamel Talhi, alias “Johnny Depp”, Mohamed Bouarfa alias “l’autruche” et Sofiane Hambli, aka “la Chimère”. Ce dernier, comme ses compères, appartient au cercle fermé des millionnaires du cannabis. Comme un certain nombre d’entre eux, il est actuellement derrière les barreaux.
Depuis son plus jeune âge, Sofiane Hambli alterne prison et vie de pacha, en France, en Espagne ou au Maroc. Cet homme de 40 ans, né en 1975 à Mulhouse (Haut-Rhin), est considéré comme l’un des plus gros importateurs de cannabis en Europe. Il est aussi, selon Libération et i-Télé, l’informateur de l’ancien numéro 1 de la lutte antidrogue, François Thierry.
Son nom ressurgit à l’occasion de l’une des plus grosses saisies en matière de cannabis, en octobre 2015, à Paris. Sept tonnes de résine sont alors découvertes dans trois camionnettes garées boulevard Exelmans, dans le très chic 16e arrondissement. Une facture et des traces ADN conduisent les douanes jusqu’à Sofiane Hambli, qui occupe un penthouse de 250 m2 avec piscine sur le toit, boulevard Exelmans. […]
Le locataire, qui selon Libération réglait en cash le loyer de 9 000 euros par mois, s’est volatilisé. “C’est la plus grosse prise depuis longtemps”, se félicite François Hollande. Problème, le trafiquant s’avère en réalité être un indic de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), enregistré au Bureau central des sources. Un “cador” du trafic international de drogue, “capable de toutes les audaces”, selon une source judiciaire, et bien connu des services de police.
Le “baron de l’or vert” ou le “Mulhousien”, ses deux autres sobriquets, a grandi à Bourtzwiller, un quartier de la ville haut-rhinoise. Il fait partie, selon le journaliste Jérôme Pierrat, de cette poignée de caïds des cités, qui se sont hissés avec une rapidité fulgurante au sommet du marché de la drogue, “au détriment des anciens du milieu traditionnel”.
A 22 ans, Sofiane Hambli est déjà l’un des principaux revendeurs de haschisch marocain dans la région alsacienne. […] Sofiane Hambli se planque dans la ville andalouse de Marbella et sa jolie marina Puerto Banus, à quelques encablures du Maroc. Dans ce paradis pour célébrités et princes saoudiens, mais aussi pour groupes mafieux internationaux, le Français fait prospérer ses affaires. Selon Les Dernières nouvelles d’Alsace, il réinvestit dans l’immobilier et le négoce de véhicules haut de gamme l’argent provenant du trafic de shit. Belles filles, belles voitures, belles villas… Sofiane Hambli mène la grande vie.
La justice française, elle, ne l’oublie pas. En juillet 1999, il est jugé et condamné par défaut à huit ans de prison pour trafic de haschich. Il faudra trois ans aux autorités judiciaires pour remettre la main sur l’affranchi. En mai 2000, la saisie de 300 kg de drogue à Vienne (Isère) permet de retrouver sa piste. Il est finalement arrêté en Espagne puis extradé en France en février 2002. Sofiane Hambli fait immédiatement opposition au jugement qui l’a condamné à huit ans de prison. Sa peine est ramenée à cinq ans de prison trois mois plus tard.
C’est dans ce contexte qu’il rencontre l’avocat Alex Civallero. Joint par francetv info, ce dernier se souvient d’un jeune “très actif, souriant, avec un contact facile”. Son client le tutoie d’emblée. Et se montre averti en matière de procédure.
Pas question, pour Sofiane Hambli, d’arrêter son business derrière les barreaux. En juin 2002, un téléphone portable est découvert dans sa cellule de la prison de Mulhouse, ce qui lui vaut d’être transféré à Saint-Mihiel, dans la Meuse. Le détenu est alors placé sur écoute. Les enquêteurs l’entendent négocier la vente de “50 caisses” à un intermédiaire, et promettre à un acolyte de lui “trouer les genoux avec une perceuse” après le vol supposé d’une tonne et demie de marchandise.
Selon les DNA, Sofiane Hambli charge son petit frère Hakim de récupérer des dettes auprès d’une dizaine de Marocains et d’Espagnols, pour un total de 6 millions d’euros. En octobre, il est mis en examen pour trafic de haschich, avec la complicité de sa famille… et de son avocat. Alex Civallero, renvoyé devant la justice pour lui avoir transmis des puces de téléphone contre rémunération, sera finalement relaxé.
En août 2003, Sofiane Hambli, qui purge désormais sa peine à Metz-Queuleu, prétexte des douleurs au poignet. Il est transféré à l’hôpital pour une radiographie. A la sortie de la consultation, un homme à moto surgit et menace les surveillants avec une arme factice. Sofiane Hambli saute à l’arrière du deux-roues et les deux hommes prennent la fuite. […]
En attendant, la justice suit son cours. En mars 2007, il est condamné par défaut à dix-huit ans de prison pour le trafic de drogue en prison. Deux ans plus tard, les policiers espagnols retrouvent sa trace. Sofiane Hambli réapparaît en Espagne après s’être caché quelques mois au Maroc. Localisé à Benahavis, un village situé sur les hauteurs de Marbella, il est interpellé lors d’un déplacement en bord de mer. L’arrestation est mouvementée. Le fugitif, en possession d’un faux passeport et de 210 000 euros en liquide, tente d’effacer ses empreintes digitales en se frottant les doigts sur les barreaux de sa cellule. Selon i-Télé, c’est pendant sa détention en Espagne que Sofiane Hambli a été recruté par François Thierry, alors directeur de l’OCRTIS.
Extradé vers la France, il est incarcéré au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville en janvier 2011. Jugé en sa présence, cette fois, il voit sa peine de dix-huit ans de prison ramenée à treize ans. Sofiane Hambli est alors défendu par Anne-Claire Viethel, spécialiste en droit immobilier. Selon Libération, elle est aussi accessoirement la compagne de François Thierry. L’Est républicain rapporte que le gros bonnet devient un détenu modèle et reçoit la visite de “costumes-cravates” en prison. Il profite de passe-droits, comme un portable dans sa cellule. A la fin 2014, après cinq ans et dix mois de détention, il bénéficie d’un régime de semi-liberté et rejoint la région parisienne.
Qu’a-t-il fait depuis sa libération complète en 2015 ? Nul doute que ce “logisticien” hors pair dans le transport de la drogue entre le Maroc et la France a remis le pied à l’étrier. L’a-t-il fait en partie pour le compte des stups de la police judiciaire ? La question fait grincer des dents au sein des hautes instances de la lutte anti-drogue, régulièrement secouées par des affaires illustrant les relations dangereuses entre “tontons” et “policiers”. Un risque proportionnel à la place de l’informateur dans la hiérarchie de la voyoucratie. […]
“Ce mec a 40 millions d’euros sur des comptes un peu partout en Europe. Ils lui ont créé un réseau logistique d’importation. Pourquoi ?”, s’interroge un ancien responsable des stups auprès de francetv info. Et de s’inquiéter pour les suites judiciaires de l’affaire : “Hambli parle de l’OCRTIS comme de ses ’employeurs’. Il risque dix-huit ans de prison, il n’hésitera pas à aller raconter des saloperies sur les policiers.” Alex Civallero estime, au contraire, que son ancien client “saura se faire discret et se montrer conciliant, pour s’extirper de la situation”. Sofiane Hambli n’est sans doute pas fini.
France TV Info