Article d’Ariane Chemin, journaliste au Monde, sur le communautarisme en France : “Le communautarisme, mythes et réalités”.
Quand les minorités se distinguent, on considère qu’elles menacent l’unité de la République et du peuple français : on les soupçonne immédiatement de déloyauté. La France est allergique à la pluralité des appartenances. »
L’ouverture des “ascenseurs sociaux” est donc vraisemblablement l’arme la plus efficace qui soit contre la clôture des groupes d’intérêt ethnico-religieux. »
Si toute l’Europe de l’Ouest est confrontée au multiculturalisme, la France est le pays qui vit cette mutation avec le plus d’effroi. Les attentats de Paris et de Bruxelles ont renforcé cette inquiétude de la société française […].
Cette passion n’est pas neuve : elle est née il y a vingt ans, autour de l’islam.
C’est au nom de cette tradition que le Conseil constitutionnel refuse, en 1999, de donner son aval à la Charte européenne des langues régionales : « Ces principes fondamentaux s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance. » Une définition en creux de la notion de communautarisme.
Si l’on s’en tient aux mots du juge constitutionnel, l’islam de France est-il communautariste ?
« Si le Conseil français du culte musulman [CFCM] ou les associations cultuelles revendiquaient des droits collectifs pour les fidèles de l’islam – la primauté du mariage religieux sur le mariage civil ou la création de tribunaux islamiques, par exemple –, le terme de communautarisme ne serait pas usurpé, répond Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences Po Lyon. Les musulmans chercheraient à se soustraire à la loi commune, ce qui serait inacceptable. Mais ils ne font aucune demande en ce sens.»
Beaucoup de musulmans réclament en revanche des aménagements de la vie sociale – des mosquées, des abattoirs halal ou des carrés musulmans dans les cimetières. Calée sur les pratiques religieuses des chrétiens, la « catholaïcité » française, selon le mot du sociologue Jean-Paul Willaime, est en effet peu adaptée aux musulmans. « En France, un catholique pratiquant peut vivre sa foi sans difficulté, note l’anthropologue Anne-Laure Zwilling.
Les églises sont nombreuses, les jours de fêtes chrétiennes sont fériés et le dimanche est un jour de repos. Mais ce cadre de vie n’a pas été pensé pour l’islam. Il en résulte nécessairement des frottements – pas parce que l’islam est plus revendicatif, mais parce que, depuis 2 000 ans, la vie sociale française a été profondément modelée par le judéo-christianisme. »
Ces demandes d’accommodements relèvent-elles du communautarisme ? Pour les spécialistes du fait religieux, la réponse est non. La construction de mosquées ? […]