[…] Ils vivent dans une société qui les rejette et qui ne leur accorde aucun droit. La plupart sont des étudiants africains venus en Russie pour y suivre leurs études. Diplômés ou pas, ils sont exclus de toute activité professionnelle légale et sont la cible permanente des ultranationalistes russes. Alors, ils se barricadent, la peur au ventre, dans l’indifférence générale.
A la chute du mur de Berlin en novembre 1989, ils étaient près de 30.000 étudiants africains à fréquenter les universités soviétiques. Avec la disparition de l’URSS, cette page a été définitivement tournée. C’est aux pays de provenance ou aux parents qu’il revient désormais de financer les études de ceux qui décrochent un visa pour la Russie.
En 2013, des étudiants venus de 42 pays africains poursuivaient leurs études dans l’ex-Union soviétique. Ils vivent dans la précarité et l’insécurité, dans une société gangrenée par le racisme anti-noir. Qu’ils soient détenteurs de papiers de séjour légaux ou pas, ils vivent tous dans la précarité. […]
Arrivé à Moscou en 2005, il a décroché un diplôme en management d’entreprise après six ans d’études. Mais là-bas, pas de travail pour les Noirs, bardés de diplômes russes ou pas. Pour survivre, il faut travailler au noir, soupire-t-il.
Ismaël en sait quelque chose. Originaire de Côte d’Ivoire, il passe ses journées dans la rue, à distribuer des prospectus aux passants, sous un froid glacial. C’est «très difficile. Moins quatorze degrés, moins quinze. Tu n’as pas le choix. Tu ne peux pas rester à la maison. Qui va te donner de l’argent.»
A ses côtés, son ami congolais n’a pas fait le voyage de Moscou pour y poursuivre des études. Il y est arrivé en 2011, en fuyant son pays, avec l’espoir de rejoindre l’Europe occidentale. Son rêve s’est arrêté dans la capitale russe où il a été surpris par le racisme anti-noir qui gangrène la société.
«J’ai des larmes aux yeux quand je dis ça. Ce n’est pas facile de vivre ici. Nous sommes au 21e siècle, mais jusqu’à maintenant, on nous injurie… j’ai même honte de prononcer ça: “Macaque, nègre, va-t-en en Afrique, ici c’est la Russie, on ne vous connaît pas”», explique-t-il. […]
(Merci à CM)