Tribune de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, sur l’identité nationale.
Dans le contexte des attentats qui ont frappé la France, fait à la fois d’émotion et d’inquiétude, il est plus nécessaire que jamais de garder la tête froide et de ne pas céder aux surenchères.
Certains n’ont pourtant de cesse de convoquer les instincts et d’alimenter les haines. Comme [la présidente du Front national] Marine Le Pen qui cherche à se démarquer du racisme de son père tout en stigmatisant les mêmes populations, ils légitiment systématiquement leur discours par l’emploi d’un seul mot : « laïcité ». Or, la laïcité ne peut en aucun cas servir de prétexte à la division du peuple. C’est au contraire un merveilleux outil pour vivre et faire ensemble.
[…]L’identité républicaine, si souvent invoquée dans le débat public, n’est pas née de la conception d’une « France, fille aînée de l’Eglise », mais de celle de la France des Lumières, puis de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Notre identité républicaine, héritée ou partagée, est née de la Révolution française.
Les déclinistes nient ce fait historique pour se replier sur une identité nationale mythifiée, qui fait appel à une histoire revisitée d’une France pré-républicaine « blanche et catholique » , occultant la présence, encore aujourd’hui, de la France sur cinq continents. Certains évoquent comme seule culture commune, celle « judéo-chrétienne ». On est en droit de s’interroger sur l’emploi de cette expression. Loin d’intégrer la culture judaïque, la France a toujours persécuté ou discriminé les juifs, de Philippe le Bel jusqu’au régime de Vichy. […]
L’identité nationale ne se fonde pas sur un substrat culturel stable qui serait le même depuis l’origine des temps, même si elle se fonde aussi sur une mémoire multiple, assumée et partagée. Son enrichissement permanent dans le cadre laïque est justement ce qui fait sa force. Le nier, c’est nier la possibilité pour la France de parler au nom de l’universel, lorsqu’elle défend ses valeurs républicaines. L’identité nationale n’est pas non plus multiculturaliste, puisque la citoyenneté laïque assure un seul et unique statut pour tous, quelles que soient leurs conditions et leurs convictions. L’identité nationale doit être tournée vers l’avenir : c’est aussi un projet pour la France et pour l’Europe.
Notre identité républicaine repose sur la laïcité, clé de la construction de la citoyenneté, qui fait de chacun d’entre nous, au-delà de nos appartenances propres, des citoyens à égalité de droits et de devoirs. Elle nous permet de les dépasser, tout en en faisant une richesse, pour créer du commun.