Après le « choc » du « Brexit » – la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) –, Alain Juppé met en garde sur le « risque de retour des conflits » sur le continent et s’oppose à l’organisation d‘un référendum sur l’Europe en France car, selon lui, “si on additionne les extrêmes, on pourrait avoir une majorité antieuropéenne“.
Le candidat à la primaire de la droite expose dans le « Monde » cinq propositions pour « rebâtir l’Europe » après le « Brexit ». Selon lui, l’UE de demain sera «évidemment à plusieurs vitesses».
Il y a des moments historiques où les hommes d’Etat ne sont pas faits pour suivre l’opinion. Ils sont là pour la guider : voilà ce que nous pensons et ce que nous proposons à nos peuples et à ce moment-là, il est possible d’organiser un référendum. Pas avant.
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Quel est le message du vote britannique que doivent retenir les autres pays selon vous ?
L’UE telle qu’elle s’est construite suscite un sentiment d’incompréhension, de désamour, voire, on l’a vu, de rejet. L’évolution des Pays-Bas, l’un des six pays fondateurs, est frappante : l’extrême droite y conteste la construction européenne, et elle progresse.
En France, si on additionne les extrêmes, on pourrait avoir une majorité antieuropéenne. Le fossé entre pro et anti-européens est en passe de se substituer au clivage droite-gauche. Cette situation nous oblige à réinventer l’Europe et à écrire une nouvelle page de son histoire. Les institutions ne doivent pas tuer l’idéal européen. Je me battrai pour cet idéal.
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La question européenne sera-t-elle un des marqueurs clés de la campagne présidentielle ?
Bien sûr. J’ai l’intention de répéter pendant ma campagne l’importance de la construction européenne et de l’idéal européen auxquels notre jeunesse est attachée. Il faut se situer d’un point de vue historique.
Les analogies avec les années 1930 n’ont échappé à personne, avec une crise économique durable, des fractures sociales importantes, une violence verbale très forte, la stigmatisation de l’autre, des attaques contre Merkel haineuses…
Les extrémismes et les nationalismes progressent, dans un contexte international très instable. Il y a un risque de retour des conflits. Lorsqu’on rappelle que l’Europe, c’est la paix, certains se moquent en disant que c’est une vieille rengaine. Le risque sur la paix est pourtant totalement d’actualité. Oui, je veux sauver cette construction européenne, en la transformant profondément, parce que demain comme depuis soixante ans, l’Europe, c’est la paix.
Le Monde