Les classes moyennes reculent partout en Europe. Pour Véronique Nguyen*, rien d’étonnant à ce que celles-ci expriment leur colère car les acteurs publics les ont mutilées sur l’autel du libre-échange, puis asphyxiées.
La paupérisation des classes moyennes, le déclassement de leurs franges inférieures, la précarisation et l’insécurité sociale, la polarisation de la société avec la montée des inégalités, sont des faits établis dans tous les pays occidentaux (cf. les Cahiers Français, Janvier 2014). Entre 1980 et 2010, les Anglais ont ainsi vu le nombre de ménages pauvres augmenter de 60%, les ménages riches progresser de 33%, alors que le nombre de ménages aux revenus moyens diminuait de 27% (The Gardian, 7 mars 2015).
En trente ans, l’Union Européenne a délibérément sabordé son modèle social, sans même avoir la satisfaction de contribuer à la diminution des inégalités sur la planète. Le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité dans le monde sur une échelle de 0 à 1, est resté figé à un niveau élevé de 0,7, et ceci malgré la hausse ininterrompue de la richesse produite. […]
En imposant le libre-échange, en généralisant la concurrence à toutes les activités, en refusant de protéger ses industries, même contre les pratiques les plus déloyales […], l’Europe a organisé un incroyable transfert de richesses de la moitié de sa population vers la frange des 15% les plus fortunés des pays émergents.
Il était illusoire de croire que les bienfaits de la croissance allaient se répandre dans toutes les couches de ces sociétés. Les nantis de ces nouveaux pays riches n’avaient aucun intérêt à laisser monter les salaires de leurs compatriotes, s’ils souhaitaient préserver leur avantage de coûts dans la compétition mondiale. […]
*Véronique Nguyen est professeur affiliée à HEC et associée chez Finexent. Avec Michel Santi, elle a publié Business Model du Low cost en 2012 chez Eyrolles.
Merci à Stormisbrewing