Depuis deux mois, les forces gouvernementales et les milices armées tentent de libérer Syrte des mains de l’organisation de l’État islamique en Libye qui ne cesse de perdre du terrain. Reportage exclusif sur la ligne de front.
À Syrte, les combats font rage et la route principale qui y conduit porte les stigmates des attentats récents. Les jihadistes de l’organisation de l’État islamique (EI) se sont implantés l’an dernier dans la ville de la côte libyenne en exploitant le vide du pouvoir et les affrontements entre factions rivales. Mais il y a deux mois, l’offensive a été lancée par les forces alliées au gouvernement d’accord national (GNA), soutenu par les Nations unies pour reprendre la ville.
Depuis, l’EI a déjà perdu 180 km de bande côtière et les forces gouvernementales gagnent toujours plus de terrain. Le week-end du 2-3 juillet 2016, les jihadistes ont été délogés d’un quartier résidentiel de la ville au terme de combats qui ont fait au moins trois morts et plus de trente blessés dans les rangs des forces pro-gouvernementales, selon les hauts responsables libyens. Les derniers combattants de l’EI ont été encerclés autour du centre de Ouagadougou et d’un hôpital voisin.
De nombreuses “katibas”, ou groupes armés, participent à l’opération et elles ne doutent pas de la victoire. “Syrte sera le cimetière de l’EI ! On va fêter l’Aïd ici ! Et, si Dieu le veut, permettre aux habitants de revenir chez eux“, déclare Ismaïl Al-Figi, membre de la “Brigade des 140 fantassins”.
Sur les milliers d’hommes qui participent à l’opération baptisée al-Bunyan al-Marsous, ou “mur solide”, l’armée régulière est très minoritaire : 80 % des combattants sont des miliciens. Le porte-parole de l’opération n’y voit aucun problème. “Nous nous sommes engagés dans cette guerre après nous être mis d’accord avec les katibas. On leur a imposé l’uniforme et la discipline militaire, sous les ordres du gouvernement d’unité nationale et de l’état-major. Maintenant, on peut les considérer comme de vrais soldats. Personne ne peut en douter“, estime le général Mohammed al-Ghasri.
Sans les katibas, ces milices nées du soulèvement contre Mouammar Kadhafi, la bataille de Syrte n’aurait jamais eu lieu. La plupart viennent de Misrata, à 250 km à l’ouest. Sur l’avenue de Tripoli, l’artère principale de la ville, les trophées de la révolte de 2011 figurent en bonne place. Ainsi qu’un monument aux morts dernier cri : les visages des hommes tombés au combat depuis début mai défilent jour et nuit.
Pour de nombreux habitants de Misrata, cette guerre a un parfum de revanche : ce sont leurs milices milices qui ont perdu le contrôle de Syrte en 2015. La reconquête de Syrte serait un coup majeur porté à l’EI en Libye au moment où, en Irak, l’organisation jihadiste a perdu un autre de ses bastions, la ville de Falloudja, située à une cinquantaine de km à l’ouest de Bagdad. Pour le nouveau gouvernement libyen, une victoire lui permettrait de voir son autorité renforcée. Mais cela ne suffira pas pour stabiliser un pays morcelé et rongé par les divisions politiques.