Si les enquêtes montrent l’existence d’un vivier de 28 % de Français considérant l’islam comme une menace, la résilience de la société semble, pour le moment, fonctionner, estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprises de l’IFOP.
[…]Les groupuscules d’ultradroite ne se sont pas signalés pour l’heure par la commission de faits spectaculaires ; mais qu’en est-il de la violence antimusulmane que l’on pourrait qualifier de « plus basse intensité » ?
Si le risque d’embrasement communautaire semble bien hanter les esprits, est-on pour autant à la veille d’affrontements ? Contrairement aux services de renseignement, nous ne disposons pas d’informations permettant d’apprécier le degré de préparation et la volonté de passer à l’acte dans la mouvance de l’ultradroite.
Si ce milieu semble constituer une source d’inquiétude majeure pour les autorités , on peut penser que des actions de représailles aveugles ciblant des lieux fréquentés par les populations issues de l’immigration ou de confession musulmane pourraient également être le fait d’individus extérieurs à cette mouvance, ou que des opérations de vengeance fomentées par des groupuscules d’extrême droite reçoivent le concours (comme les manifestations d’Ajaccio de décembre 2015, après l’agression de pompiers) d’un public plus large, ou soient imitées.
Ce qui aurait pour conséquence une démultiplication de l’impact de tels actes, l’ultradroite ayant en quelque sorte allumé la mèche d’un baril de poudre prêt à exploser.
Les données d’enquête de l’IFOP comme celles du think tank américain Pew Research Center n’indiquent pas de détérioration de l’image de la population musulmane consécutive aux attentats. Toutefois, cette image était et reste très négative. Ainsi, l’idée que les musulmans et les personnes d’origine musulmane ne sont pas bien intégrés en France (ce déficit d’intégration pouvant être perçu comme servant de terreau à la radicalisation de certains individus) est très largement partagée, mais n’a pas du tout gagné de terrain supplémentaire dans l’opinion depuis plusieurs années. […]
Les chiffres du sondage IFOP réalisé pour Atlantico après le double meurtre de policiers à Magnanville démontrent par ailleurs que si des groupuscules passaient à l’action, ils pourraient bénéficier d’une certaine bienveillance de la part d’une frange de la population. Interrogés sur leurs réactions si de telles actions de représailles incontrôlées se produisaient, seulement 51 % les condamneraient, 39 % les comprendraient sans pour autant les approuver et 10 % les approuveraient. Ces chiffres démontrent clairement qu’un potentiel de confrontation existe aujourd’hui dans la société française, et que la série d’attentats qui a visé notre pays a ébranlé et fissuré en profondeur le rempart républicain. […]