Reportage du Monde sur Saint-Etienne-du-Rouvray, sur la cohabitation entre chrétiens et musulmans après l’assassinat d’un prêtre par deux islamistes.
ll faut écouter Annie et Jean-Claude Geslin, un couple de retraités venu rendre hommage au père Hamel. Sur le parvis de l’hôtel de ville, où s’accumulent les gerbes de fleurs et les mots d’espoir, ils sont intarissables sur leur vie « depuis toujours » à Saint-Etienne-du-Rouvray. Et ils n’ont qu’une peur, en cet après-midi d’été, c’est de perdre cette marque de fabrique locale à leurs yeux : le « vivre ensemble ».
A Saint-Etienne-du-Rouvray, personne n’aurait en effet imaginé, un jour, que les mauvaises haines rattraperaient cette banlieue rouge de l’agglomération rouennaise. Même après le drame, rares sont ceux à ne pas prononcer ces mots qui sembleraient galvaudés ailleurs : «bonne entente », « tranquillité », « calme »… […] Mais, s’il y a un symbole dont tout le monde s’enorgueillissait jusqu’à l’attaque contre le père Hamel, c’est bien cette mosquée Yahia, construite il y a quelques années sur un terrain cédé pour 1 euro symbolique par les sœurs de la paroisse. Un événement à l’époque, vécu comme une véritable victoire du « dialogue interconfessionnel » local.
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Si le Front national (FN) est en embuscade dans la région rouennaise, gagnant chaque année un peu plus de terrain, il n’a pas vraiment de prise à Saint-Etienne-du-Rouvray. […]
Localement, par contre, à Rouen comme ailleurs, les responsables musulmans se divisent sur le leadership. […] Toute une mouvance salafiste a du coup pris de l’importance dans le sillage de ces divisions, notamment chez les jeunes adultes, sans toutefois avoir de lieu de culte officiel.
Des affinités religieuses affichées librement, ce 26 juillet au soir , dans le quartier du Château-Blanc, ou à la sortie de la prière de la mosquée Yahia.
[…] « Les dirigeants de la mosquée devraient se renseigner auprès des jeunes qui savent, car après, au lieu de trier le bon grain de l’ivraie, on met tout le monde dans le même sac », arguent-ils dans des critiques à peine voilées.«Jamais un salafiste ne se permettrait de faire couler le sang d’un innocent», expliquent deux jeunes de 24 ans et 29 ans, portant barbe, djellaba, refusant de serrer la main, et disant adhérer aux idées de la Salafyya.
Le Monde