Pourquoi les tensions communautaires sont-elles si fortes en Corse s’interroge Eugénie Bastié, journaliste au Figaro ? L’île de beauté serait le “laboratoire exacerbé des fractures françaises”.
Après la rixe qui a opposé habitants de Sisco et population d’origine maghrébine, tous les regards se tournent vers la Corse. […]
• Une communauté musulmane importante et de longue date
Les liens entre la population maghrébine et la Corse sont anciens: n’est-ce pas le Maure aux yeux bandés qui est devenu le symbole de l’île de Beauté ? […] Autrefois terre d’émigration (notamment dans les colonies), la Corse est devenu au XXe siècle une terre d’accueil, avec une forte immigration, surtout en provenance du Maroc. Aujourd’hui, il y a, selon les chiffres officiels, 42.000 musulmans sur l’île, soit environ 13 % de la population. «Auparavant, les gens ne se mélangeaient pas, mais il y avait moins de tensions qu’il n’y en a aujourd’hui entre jeunes issus de l’immigration et jeunes issus de familles corses», constate Laurent Marcangeli, député-maire (LR) d’Ajaccio.
• Une société organique et traditionnelle
Le caractère insulaire de l’île l’a longtemps protégé du multiculturalisme. Mais depuis plusieurs dizaines d’années, l’immigration a changé la donne. […] «Pour eux, la métropole, ce sont les banlieues. Ils ont la phobie de voir arriver des zones de non-droit sur leur île. Les gens me disent ‘On ne veut pas devenir la Seine-Saint-Denis ou les quartiers Nord de Marseille’.»
«On assiste depuis quelques années à une libération des tensions raciales. Mais ici, à la différence d’ailleurs, les gens passent à l’acte. Je suis inquiet que ça monte crescendo. Ça devient compliqué d’être musulman en Corse, il y une suspicion généralisée vis-à-vis de l’islam», s’inquiète le député. Le regain des milices identitaires, comme la «Vigilenza Naziunale Corsa», qui prétend lutter contre l’islamisation de l’île, en atteste. […]
• Une tradition de la vengeance privée
C’est un cliché, mais le passé l’a montré: la tradition de la vendetta reste vivace en Corse. […] […]
• Conséquence: un FN fort
Les prises de parole mesurées comme celle de Talamoni n’ont pas satisfait les plus radicaux. «Je ne serai pas surpris que la situation profite à Marine Le Pen», dit Marcangeli. Si le Front national ne fait pas de très bon scores aux scrutins locaux, éclipsé par les indépendantistes, il est à un niveau très élevé aux élections nationales: en 2012, Marine Le Pen était arrivée deuxième, à 24,5%, au premier tour derrière Nicolas Sarkozy.»