Tribune de William Marx (professeur de littératures comparées à l’Université Paris Nanterre, essayiste, critique) dans laquelle il prône la «libération des corps » pour lutter contre l’islamisme radical.
Le meilleur moyen de lutter contre l’islamisme radical et tous les extrémismes, c’est de rendre désirable notre modèle de société, une société ouverte et accueillante, et c’est aussi d’afficher la libération des corps contre tous ceux qui voudraient les contraindre. On ne défend pas la liberté en restreignant les libertés.
Voici donc les jeunes filles en fleur de Marcel Proust privées de baignade par quelques élus au républicanisme mal placé. Voici nos arrière et arrière-arrière-grands-mères interdites d’aller à la plage à Cannes, à Villeneuve-Loubet et dans d’autres stations balnéaires encore, dont les maires viennent d’interdire le burkini. […]
Dans les années 1960 et 1970, c’étaient les nudistes et non pas les burkinistes que poursuivaient les gendarmes, à Saint-Tropez et ailleurs. Voilà le mouvement de l’histoire récente, vers une libération croissante du corps et vers toujours plus de liberté en général. ? Si certains de nos contemporains veulent vivre au Moyen Âge ou au XIXe siècle, à quel titre les en empêcher, tant qu’ils ne cherchent pas à imposer ces règles désuètes à leurs voisins de plage ? […]
« Mais, dira-t-on, on laisse ainsi prospérer sur notre sol la frange la plus radicale de la religion musulmane, et nos valeurs sont menacées. » Sans doute, mais nul ne défend bien ses valeurs qu’en les faisant avancer. On ne défend pas l’égalité et la fraternité en stigmatisant une partie de la population à cause de sa religion. […]
Le meilleur moyen de défendre la liberté consiste à la renforcer et à l’étendre. Le sens de l’histoire, le sens d’une vraie politique démocratique et républicaine, c’est l’extension des droits. La seule arme contre le burkini, ce n’est pas de l’interdire, mais bien d’autoriser sur toutes les plages le naturisme. « Tous à poil contre le burkini », tel pourrait être le mot d’ordre à la Charlie Hebdo, si justement il ne fallait éviter tout mot d’ordre totalitaire. […]