Tribune de Nils Witte (Docteur et sociologue à l’Institut de technologie de Karlsruhe).
La tuerie de Munich dans laquelle neuf personnes ont trouvé la mort et la grande manifestation pro-Erdogan qui s’est déroulée à Cologne, dimanche 31 juillet, ont rouvert le débat sur la double nationalité en Allemagne. Tout comme en France, les conservateurs allemands ont exprimé leurs doutes quant à la loyauté des citoyens binationaux. Or, une telle attitude les empêche de comprendre que la double nationalité est un outil crucial pour favoriser l’intégration des immigrants. […]
[…]Depuis la réforme du droit du sol en l’an 2000, environ 530 000 enfants ont acquis la nationalité allemande en plus de celle de leurs parents. Un grand nombre des enfants concernés sont de jeunes Turcs devenus binationaux, tous âgés de moins de 16 ans.
D’après moi, trois options permettraient d’appréhender cette question. La première est de ne rien changer à la situation et d’accepter que les citoyens turcs choisissent de ne pas changer de nationalité et, donc, de ne pas profiter des droits des citoyens allemands. Cela revient à faire une croix sur l’idéal de représentation démocratique.
Une seconde option consiste à exiger le renoncement à la nationalité d’origine, mais, dans le même temps, à proposer une adhésion culturelle forte et véritable au pays d’accueil. Ce cas de figure impliquerait que la société allemande s’ouvre davantage au monde et se redéfinisse comme diversifiée et multiculturelle. Il faudrait que les petits Zerrin et Ömer soient traités de la même façon qu’Emma et Jonas. Mais il semble que cette vision de l’avenir soit destinée à rester à l’état de projet pour encore quelques années.
La troisième idée consiste à tolérer la double nationalité de manière plus générale. Cela semble être l’option la plus réaliste à court terme. La présence des binationaux aura pour effet secondaire de familiariser les anciens et les nouveaux Allemands avec la réalité d’un pays culturellement diversifié. […]
Si l’Allemagne veut attirer des immigrants hautement qualifiés, elle doit faire mieux. Pour rendre crédible son souhait, elle doit mieux se comporter avec ceux qui sont arrivés il y a cinquante ans. Cela fait plus de cinquante ans que des Turcs vivent, travaillent et payent des impôts en Allemagne. Ils parlent et vivent comme des Allemands ; mais aussi comme des Turcs. Ils ont fait à peu près tout ce qui était exigé d’eux dans la liste de critères d’intégration établie par les conservateurs. Il est temps aujourd’hui de leur tendre la main et de faciliter leur naturalisation en tolérant la double nationalité.